Très souvent, "ça" n'est pas comme je m'en souvenais, comme je viens de l'écrire.
Souvent, je me dis tant pis, parce que je n'ai pas envie de modifier, et surtout : modifier ferait dévier le récit, enlèverai quelque chose d'important, casserait une métaphore soigneusement filée et emmêlée...
Par exemple le lac en hiver (voir "le ventre du lac" et "la chauffeuse, on la tutoie") est très bas.
Mais dans Les Adolescents troglodytes, il doit être en hiver comme en été, à raz de la forêt qui l'entoure, sinon, "ça" ne marche pas, "ma" descente groupée dans la tempête.
Alors cet hiver j'y suis descendue pour "rien" avec mon "grand" (car ces vérifications sont aussi, très souvent, des prétextes à promenades).
J'y suis descendue en haussant les épaules, bon, tant pis.
Mais je vérifie, quand même, souvent, même si c'est pour me dire "tant pis".
Et parfois, "ça" n'est pas pareil mais c'est tant mieux.
Parce que c'est encore plus comme "dans" le roman.
Parce que cela me permet plein de choses qui vont dans le sens de l'écriture.
Hier, je suis allée dans la grotte "vérifier" mes souvenirs (accompagnée de cette petite tête à droite, car ces vérifications sont aussi, donc, des promenades).
C'est l'ancienne maison du gardien du lac arrangée pour les touristes. Des vitres protègent les meubles d'époques et autres curiosités des mêmes touristes et curieux pour lesquels ils ont été soigneusement disposés.
Il montre Julien et Sylvain en face, les visages dans la vitre, en train de se manger du froid, appuyant des grimaces pleines de bave fraîche sur la paroi de verre dans une sorte de concours. Sylvain a gardé sa capuche et ça rend encore plus énormes les déformations de sa bouche.
Les Adolescents troglodytes, à paraître (POL, janvier 2007)
Je me suis trouvée devant la vache traversée des néons disposés au raz du sol. J'ai levé les yeux par réflexe (haut/bas, etc)...
Et j'ai pu voir que les vitrines ne vont pas jusqu'en haut.
Je le savais, mais je ne me l'étais jamais formulé : il y a un passage entre le haut des vitrines et le plafond de la grotte.
Oui, ça n'a l'air de rien, mais mes ados n'auront plus besoin de casser les vitres. Bon, c'est pas que ça les gênait beaucoup, dans l'histoire, mais ça n'avait aucune utilité autre que diégétique, et moi j'aime bien quand tout fait sens.
Je vais pouvoir travailler plus encore le corps de mes ados : il va falloir les faire se hisser et glisser au-dessus des parois de verre, il faudra qu'il s'aident, se tiennent, se portent, et ça, c'est extraordinaire, c'est exactement ce qu'il me manquait.
Mais ce n'est pas tout. Paul s'impatientait et faisait le couillon pendant que je filmais et prenais des photos et réfléchissais... Il a donc tout naturellement passé son bras entre les vitres...
Les vitres sont disjointes à certains endroits.
Je le savais, mais je ne me l'étais jamais formulé : les vitres ont de menus passages verticaux.
Mes ados vont pouvoir se faire passer des choses, voire de petites mains de sixième entre les différentes parties de la grotte, et ça c'est aussi extraordinaire, c'est aussi exactement ce qu'il me manquait.
Je n'ai pas le temps, ni la concentration nécessaire, là, ces jours-ci, pour écrire (Paul sait très bien "dé-écrire" ce qu'il me donne à décrire, parce qu'une maman qui écrit, c'est pas toujours des promenades marrantes en perspective...). Et puis, il faut que je laisse reposer ces images, mais je languis, je ne sais pas comment expliquer, je languis de me mettre à ces passages, je languis qu'ils me passent dans le bras, la main. Je languis de me les faire venir.