la chauffeuse, on la tutoie


Mon fils, le grand, est en train de lire Les adolescents troglodytes. Je dois rendre le manuscrit à la rentrée, il est fini, mais c'est le moment ou jamais pour changer un mot par ci par là, déplacer une virgule (je préfère être sûre de mon texte, sinon, je vais tout relire et tout vérifier au moment des épreuves). Sylvère me dit vouloir regarder quand même, si je raconte pas trop de conneries à propos des navettes (il en a été longtemps usager). Et voilà qu'il me dit "ouais, la chauffeuse, si on la connaît depuis longtemps, on la tutoie" (un de ses copains, lui aussi depuis très longtemps passager de navette - dans un autre paysage isolé- confirme).

Sauf que, tutoyer ma narratrice, ce n'est pas changer un mot par ci par là, c'est changer des pans entiers de page. Les relations entre elle et les élèves s'en trouvent modifiées. Mes personnages disaient "madame, vous" mais je sais pourquoi : je me mettais dans ce vouvoiement, en souvenir de mes élèves. Mais la conductrice n'est pas une prof. Mais mon fils et son copain ont raison. La chauffeuse, ils la tutoient, de la maternelle à la fin du collège, c'est la même, et la chauffeuse, c'est pas comme une prof.

C'est pas tout, vu mon horreur des tirets pour les dialogues, ma difficulté à écrire un discours direct trop direct (mes dialogues sont inclus dans la narration, sans même changer de phrase) ce tutoiement impose autre chose : le choix d'un prénom pour ma narratrice. Et ça, c'est quelque chose de très dur pour moi, pour des tas de raisons.


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Le tutoyeur cet hiver au bord du lac des Adolescents troglodytes.




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