mitoyenne
C'est la première - sauf ma propre mère bien sûr - des ex femmes de gendarmes de cette brigade, celle de mon enfance, à le lire, et à, indirectement - via ma propre mère bien sûr - m'en dire quelque chose.

Du Tiroir à cheveux.

Me dire les pleurs et les souvenirs. Et moi de me débattre avec le prétexte de la fiction et pourtant, être bousculée, d'entendre ce souvenir que je n'avais plus, et que je n'ai peut-être jamais eu.

Cette femme en lisant se souvenait des bruits de la cloison mitoyenne des appartements de fonction. Les bruits quand le petit se tapait la tête. On avait contraint son corps dans un corset de plâtre. Il tapait, tapait son front, son crâne, ça résonnait. La nuit surtout. Elle dit se souvenir de ça, s'en souvenir à la lecture du livre. Et pourtant, pourtant moi non, je ne me souvenais pas de ces échos de la cloison malmenée par la douleur du petit. Ou alors, pire, je ne l'entendais pas.

Elle dit aussi qu'elle a pleuré mais aimé se souvenir en lisant, comme si ça ravivait les souvenirs douloureux, oui, mais aussi, comme si ça leur donnait une existence, une raison, comme si ça l'aidait, comme si c'était "si vrai". Pleurer et aimer se souvenir d'avoir été à côté, si près. Moi qui pensais avoir pu mettre les choses un peu plus loin, par le mensonge de la fiction. Moi qui croyais m'être écartée. De ces coups contre nos murs communs. Les coups de la douleur de ce gosse, une douleur qui résonnait dans les murs fermés de la brigade.

Combien étions-nous à ne pas les entendre, à les taire, alors que c'étaient ces seuls mots?
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