Bien entendu, il a fallu qu'un groupe profite de l'aubaine pour inclure "la prof" dans travail. Je leur ai dit mais bien sûr que si, vous pouvez, mais après, je fais ce que je veux de la photo...
Non, je ne grimace pas, je me retiens juste de rire.
La réponse exacte à la question "Mais que s'est-il passé ?" le 9 ou le 16 janvier lors de la "verbalisation"**.
* le voici en détails :
Mais que s’est-il passé ?
Un évènement que vous définirez vient de se produire dans la salle de classe. Vous disposez d'un appareil photo numérique pour nous en proposer une représentation photographique.
Conditions
Travail par groupes de deux ou trois élèves.
Trois séances de cinquante-cinq minutes dans la salle d'arts plastiques. - 1ère séance : Recherches avec un cadreur (rectangle évidé dans un carton rigide, aux proportions de l’écran photo numérique : 5X3,5cm).
- 2ème séance : prise de vue : au maximum 3/4 minutes par groupe
**- 3ème séance : verbalisation : présentation par chaque groupe de sa photographie à l'écran de l'ordinateur relié au vidéo-projecteur, en précisant clairement l'intention et la démarche.
Relation aux programmes et accompagnements
Le dispositif de représentation - L'image : cadrage - les différents types d'images en fonction de l'intention - Intégration des outils numériques à l'enseignement des arts plastiques
(voir "les chaussures de Martine Laval et le doryphore de mon beau-frère", le "webmaster", "Jean-Philippe" : suites)
Mon webmaster a un frère, qui a le même défaut que lui (c'est un homme numérique) plus un autre (il est très frileux). À part ça, c'est mon beau-frère, le seul, l'unique : que ma soeur ne s'amuse pas à se marier, je n'ai et n'aurai qu'un beau-frère. J'espère être sa seule belle-soeur : qu'il ne s'amuse pas à se marier avec une fille qui aurait une soeur, que mon mari ne s'amuse pas à divorcer pour se remarier, je suis et je veux rester la seule belle-soeur de mon beau-frère.
Parce que mon beau-frère, il m'a marquée, comme il marqué beaucoup de monde et d'espaces ( aussi, en a un bien placé, chez elle, de doryphore : j'en attends la photo, Cécile, si tu oses, mais c'est moi sa belle soeur).
La preuve, son machin à bestiole, chez lui, déchargé et au repos :
Il a même marquée Nadège dans mon prochain livre, sous les cheveux (Nadège tu es mon personnage, tu es plein de souvenirs, du rêve, je t'adore, mais c'est moi sa belle soeur).
Nadège s’appuie sur le grillage. Elle me demande si je rêve, je lui réponds non, non, je pensais, à qui, à toi, ah bon. Elle monte dans la navette, je la suis, elle enlève son écharpe, va s’asseoir, je m’installe au volant. Les autres rentrent. Je me relève. Je m’approche de Nadège et je lui demande de soulever ses cheveux. Elle soupire comme si j’allais l’engueuler mais obéit. Dans sa nuque, presque au milieu, à la racine de ses cheveux, il y a un tout petit tatouage, mon petit détail de l’autre soir (...)
Ce que Nadège a fait en montrant son tatouage à tous, c’est leur cacher l’importance et le mystère de cette petite bête, une sorte de doryphore, qui lui monte dans la tête. Et ça m’intrigue, parce que la même bestiole je l’ai vue partout, sur les bancs du jardin à côté de chez moi, mais aussi à l’envers de certains panneaux de signalisation routière, sur des portes dans le village, très discrète au-dessus d’un siège de la navette (au bord d’une fenêtre) et même sur une des palissades du chantier des gorges. Je ne m’explique pas l’itinéraire de ce doryphore.
Au doryphore de Jean-Philippe
(...)
Hiver 2005-2006
Les Adolescents troglodytes, à paraître (POL, janvier 2007)
Hier dans son bain*, le petit dernier (celui qui a les cheveux jusqu'en bas du dos) voulait absolument de "la peinture, là" ! Il m'a fallu un moment pour comprendre qu'il voulait jouer avec le blaireau du grand, qui pour le petit était un gros pinceau.
En novembre mon libraire, qui m'avait invitée pour Le Tiroir à cheveux, avait sorti ses plus beaux tiroirs pour présenter mes livres, il avait aussi mis des livres de peinture et des pinceaux.
Je croyais que c'était à cause de mon travail (je suis prof d'arts plastiques), mais non, le hasard, a-t-il prétendu.
Ma , celle de la photo du site, celle aussi du Campement urbain, ma Cécile concentre presque tout son travail dans la salle de bain, elle fait ses photos et ses peintures. C'est dans sa salle de bain, bien sûr, que l'on travaille ensemble. C'est dans sa baignoire qu'elle m'a prise en train de me laver : cette photo où l'on ne voit (presque) que mon épaule et mes cheveux mouillés, cette photo de fond du site...
Cheveux, poils et pinceaux.
Peintures et corps dans nos salles de bains. Ecriture du quotidien. Et cette angoisse plus forte que celle de la représentation, plus forte que celle d'écrire, si présente dans le Le Tiroir à cheveux.
(....) laisse-moi tranquille (et je t’interdis de toucher à ses cheveux).
Une drôle d'impression, alors, quand je lis ça, hier, dans le bloc-note du désordre :
Le chemin qu’il faut parfois parcourir pour atteindre une aussi modeste distance. Aujourd’hui la séance avec l’éducateur de Nathan avait pour but d’amener Nathan à bien vouloir se laisser couper les cheveux qu’il a fort épais et qui vont lui tenir chaud cet été, c’est certain, au point de le rendre parfois irritable. Nathan, comme la plupart des enfants autistes, nous assure Benjamin, l’éducateur, a horreur qu’on lui touche les cheveux, qu’on les lui lave — c’est toujours moi qui les lui lave, une fois toutes les deux semaines, parce qu’Anne n’en a pas la force physique, et chaque fois que je le fais, je ressors de la salle de bain à la fois épuisé mais aussi trempé de la tête aux pieds — et il déteste tout particulièrement qu’on les lui coupe.
Première étape : on propose à Nathan de lui couper les cheveux. Refus catégorique.
Deuxième étape : on propose à Nathan qu’il me coupe les cheveux, il flaire un piège et c’est assez long pour le convaincre de venir me passer la tondeuse dans les cheveux.
Troisième étape : Nathan me coupe les cheveux. C’est long, il me les tire beaucoup, je ne dois surtout pas lui laisser penser que c’est une opération douloureuse. J’ai une coupe punk. Je suis très content.
Quatrième étape : On propose à nouveau à Nathan de lui couper les cheveux. Refus on ne peut plus catégorique.
Cinquième étape : On se coupe tous une mèche de cheveux. Anne, Benjamin, Madeleine et on en coupe même une mèche à Adèle qui rigole.
Sixième étape : on propose à Nathan de lui couper juste une mèche. Refus catégorique
Septième étape : je coupe une mèche de cheveux à Madeleine et j’en fais un pinceau avec un élastique et un crayon à papier. A l’aide de ce pinceau très rudimentaire, je dessine un poisson rouge — Nathan adore les poissons — sur une feuille.
Huitième étape : je propose à Nathan qu’il fasse, lui, un dessin avec le pinceau artisanal aux cheveux de Madeleine. Il est d’accord et il est très content.
Neuvième étape : je demande à Nathan s’il aimerait bien que je lui fasse un pinceau avec ses cheveux à lui. Je m’emmêle un peu les pinceaux dans mes explications, réaction terrorisée de Nathan.
Dixième étape : je montre à Nathan que je peux me servir des cheveux de Madeleine directement depuis sa tête, qu’ils sont assez longs pour être trempés dans le pot d’eau puis dans de la peinture rouge et que du coup je peux lui faire deux gros cercles rouges sur les joues comme si je le maquillais. Coopération admirable de Madeleine qui se penche dans tous les sens pour me permettre de maquiller son frère à l’aide de ses cheveux à elle que je trempe dans de la gouache carmin, elle fait la moue parce qu’elle devra se laver les cheveux ce soir, mais elle trouve que j’ai des idées bizarres et elle aime bien quand j’ai des idées bizarres.
Onzième étape : je montre à Nathan dans un miroir la tête que je lui ai faite avec les cheveux de Madeleine.
Douzième étape : je montre à Nathan que ses cheveux à lui sont trop courts et que je ne parviens pas à les tremper dans le pot d’eau, je fais très attention à ne pas tirer trop fort.
Treizième étape : je tends la paire de ciseaux à Nathan, qui se coupe gaillardement les cheveux en tous sens sous un tonnerre d’applaudissements de la part d’Anne de Banjamin de Madeleine et de moi qui pousse un immense soupir de soulagement. Durée de la négociation : une heure. Mais du bonheur à ce qui est obtenu, cela oui.
*Je voulais mettre les mots de Philippe de Jonckheere, bruts, sans commentaire, mais rien à faire. Parce que... et tant pis s'il se met en colère, je commence à avoir l'habitude de ses colères, et en plus elles sont plutôt saines, et belles, alors je vais plus me gêner pour les faire naître.
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Je viens de provisoirement finir mon texte, et donc merci encore, car
tu m'as beaucoup aidée. Par exemple, ton problème avec tes cheveux*, je
te l'ai piqué. J'ai précisé de ci de là que les enfants ont tous les
deux les cheveux longs (et mal peignés). La fille ne veut pas les
couper (à la fin elle voudrait s'y résoudre, mais ne peux pas), sa mère
lui fait remarquer que quand même, ça fait caraque (gitan). La fille
est donc définitivement du côté des gitans (haïs comme tu le sais par
les gendarmes).
A bientôt.
Emmanuelle.
(réponse de Mallaury) quand j'avais 13 ans j'ai écrit une nouvelle sur les nazis et les tziganes.
ça s'ouvrait ur la tonte de femmes tziganes à l'entrée dans le camps de
concentration. La scène était particulièrement violente et l'épouse opaline
d'un SS y assistait, elle était enceinte. Elle fit un caprice pour avoir un
coussin fait avec ces cheveux là, trop bonds, trop sensuels à côté de sa
fadeur.
Ensuite elle ne parvenait plus à dormir. ses nuits n'étaient plus que
cauchemars. Son mari couvait la femme pour espérer voir naître l'enfant.
Il naquit brun et le teint mat, les yeux noir et pointa sur eux un index
accusateur. Il abandonna l'enfant et la femme, au camps.
Voilà, j'ai perdu cette nouvelle, qui mériterait peut-être d'être réécrite,
mais les caraques m'y font penser, on dit les caraques, chez nous aussi. Le
"ça fait caraque" est le maître mot de ma pieds-noirs de grand-mère quend
elle va chez mes parents.
(...)
A très bientôt
* elle ne peut pas les couper, elle a une angoisse très forte qu'on les lui coupe.
Dans le Tiroir à cheveux, il y a une autre fille : je cherche son nom depuis longtemps. À chaque rencontre avec des lecteurs, à chaque fois qu'on me demande "pourquoi une coiffeuse" ? Dans des salons du livre, dans des médiathèques, à la radio, à la télé, partout je l'ai dit : parce qu'au moment de l'écriture du livre j'ai vu un film à la télé, un très beau film, dans lequel une jeune fille, élève en LEP (section coiffure) découvrait la sexualité, les autres, etc, et tout ou presque passait par des gestes aux cheveux : par exemple, je me souviens que pour approcher un garçon elle lui disait "est-ce que je peux te couper les cheveux" et j'ai une scène en mémoire, très sensuelle, érotique même, très belle, d'une coupe de cheveux à un garçon...
Vendredi à Le Pin lors d'une rencontre encore, on me pose cette question, et je réponds pareil: "parce qu'au moment de l'écriture du livre j'ai vu à la télé etc" et cette fois j'ajoute "maintenant que l'INA à ouvert ses archives sur le net, il faut absolument que j'aille farfouiller pour trouver le nom du film"...
Mais je n'ai pas eu besoin d'aller farfouiller à l'inanet. À la fin de la rencontre, séance dédicaces : et voilà que je signe un Tiroir à cheveux pour une dame qui prétend être la belle-mère d'une fille qui aurait réalisé un film comme ça. Quoi ?!! Une dame s'intéresse à mon livre, une dame habitant près du Lac de Paladru, il doit y avoir à peine une vingtaine de personnes à cette soirée, et cette dame serait la belle-mère de la fille qui a fait de ma narratrice une coiffeuse? Je lui demande les références, je suis toute, toute, je sais pas quoi... À peine rentrée je vérifie... et voilà, une des meilleures coïncidences du moment (et pourtant y'en a hein, faut voir les histoires de Clopine et Gilda).
Le film s'appelle les Les autres filles, il a été réalisé par Caroline Vignal, dont j'attends impatiemment un e-mail (via sa belle-mère !). Bien sûr comme rien n'est assez gros pour les coïncidences, c'est pas le tout, cette fille se dit originaire de Béziers, là où j'allais au lycée (Pas devant les gens se situe dans une ville en partie faite de morceaux de Béziers, en particulier le lycée Henry IV avec sa vue sur la prison) et c'est tout près de Béziers que se trouve le village du Tiroir à cheveux.
Mais je laisse parler Caroline :
«J’ai eu envie, ou besoin, de m’éloigner de moi-même, d’aller voir ailleurs. Écrire,
ça peut être un alibi en or pour aller là où on n’est pas censé aller, rencontrer des
gens qu’on n’est pas censé rencontrer... J’ai eu tôt l’idée de la coiffure, je ne sais
plus comment, c’était une intuition bonne, car en allant dans les lycées profes-
sionnels regarder ce qui s’y passait, j’ai vu se cristalliser sous mes yeux beaucoup
de questions que j’avais envie d’aborder : la découverte et l’acceptation de sa
propre féminité, le regard des autres, le regard de soi... J’ai besoin du biais d’un
personnage pour rentrer dans une histoire."
Voilà, même plus besoin de répondre aux questions, tellement c'est ça... Et encore :
Les «grands sujets» ne m’intéressent pas, j’ai envie de partir de l’anecdotique, du très ordinaire: ce qui m’intéresse,
c’est le regard qu’un personnage peut porter sur ces choses si «petites», si «insi-
gnifiantes» soient-elles, comment il les vit, ce qu’il ressent...»
Parce que c'est ce que j'essaie d'expliquer, maladroitement, ce que je n'arrête pas de "revendiquer"...
Plus qu'une rencontre avec la belle-mère de Caroline, je viens de rencontrer à nouveau ce film, je retrouve tout, j'en suis très troublée, émue, parce que j'ai écrit ce livre à côté de ces Autres filles, tout comme je me sentais à côté de La Religieuse, (sauf que si je rencontre la belle-mère de Diderot, je me fais none, cette fois).
À la maternité ma mère venait me voir tous les jours avec Pierre dans la poussette. Je me sentais rassurée par sa présence ridicule et raide. Je l’attendais, ma mère ouvrait la porte, il était là, inutile, immobile, mais j’avais bêtement besoin de lui. Ma mère m’a confiée en avoir honte, maintenant, ça commençait à se voir, oui mais toi, c’est sûr, si c’était toi qui t’en occupais, tu comprendrais, tu te rends pas compte.
Elle devait faire deux trois courses, je lui ai dit laisse-le moi, vas-y, prends ton temps, mais si je t’assure.
Elle a callé la poussette entre mon lit et la fenêtre, près du berceau transparent. Je me suis levée pour regarder dormir Titouan et remonter le corps de Pierre qui s’affaissait un peu. Il avait les yeux et la bouche ouverts, mais dans cette ouverture un souffle de sieste, alors j’ai mis la poussette en position allongée, et ses paupières se sont fermées mécaniquement, comme celles des poupées aux yeux dormeurs.
Un de mes ex-copains a ouvert la porte sans frapper, il était confus, si troublé d’être là qu’il n’a rien dit. Il a posé sur la table de nuit un paquet de châtaignes grillées. Je me suis recouchée. Il est reparti, presque timide.
Titouan dormait resserré dans une couverture roulée. Il était encore tout ridé, ses yeux étroits, tout petits petits dans son visage, et une bouche comme un trait de plus, un front avec des tressaillements juste en dessous de sa tête chevelue brune presque poilue (des cheveux des poils jusque dans le dos). J’ai pris le paquet de châtaignes, elles étaient encore chaudes, j’ai mangé lentement. Pierre a ouvert les yeux quand j’ai reposé le carton gras sur la table de nuit. Je me suis levée à nouveau, je l’ai détaché, je l’ai porté jusqu’à mon lit. Titouan s’est mis à pleurer, je l’ai sorti de son bocal pour le prendre avec nous. On a fait connaissance tous les trois. Je les ai caressés sur la tête, et mes mains noircies par les châtaignes ont teinté leurs cheveux, leurs fronts jusqu’aux yeux.
Ma mère est entrée, avec plein de paquets et un regard qui me jugeait. Elle a posé ses sacs, elle est allée vers le coin douche fouiller dans mes affaires. Je pouvais entendre sa respiration agacée. Elle est revenue avec un gant mouillé et s’est mise à débarbouiller mes enfants en faisant des commentaires. Je les tenais fort contre moi, elle essayait de dégager mes bras pour atteindre leurs visages, ils criaient tous les deux, et moi plus fort qu’eux, mais si j’allais le faire, bien sûr que si.
Le Tiroir à cheveux, août 2005, POL