la fille aux cheveux noirs, son petit
La plupart des photos que vous voyez dans ce cahier sont signées, ou font partie de mes archives perso (photos de famille ascendante, photos faites par mon mari, par mes enfants, par moi-même). Celle-ci fait exception. Je l'ai trouvée dans un mag de type "vie de famille" (magazine de la CAF), je ne sais plus lequel et je ne connais pas son auteur (je ne pense pas que le crédit était indiquéWinking. J'espère qu'il n'en sera pas fâché, même virtuellement (peu de chances qu'il tombe sur ce site).
Cette photo je l'avais découpée quand j'écrivais Le Tiroir à cheveux, comme beaucoup d'autres : je travaille beaucoup d'après photos. D'ailleurs, quand une photo se trouve devant un extrait de livre dans ce cahier, ce n'est pas une photo que je colle à posteriori, c'est au contraire le plus souvent une photo sur laquelle s'est appuyé le récit. Parce que j'ai besoin d'images (pas seulement des fixes d'ailleurs), parce que les photos ce sont aussi des rencontres, des retours à ma mémoire (photos d'archives), des rêvasseries, ou des rencontres crues, comme avec celle-là.
Cette photo, pourtant maladroite et presque mal cadrée (encore une fois mes excuses à l'auteur), est extraordinaire. Elle est au-delà de l'ordinaire (une fille en survet allaitant dans un milieu public, j'en ai vu plein, mine de rien c'est ordinaire), elle dépasse cet ordinaire. À bien y regarder le lieu est non identifiable, de sein on ne voit pas, et les visages sont tout autant cachés. Ces deux là sont totalement fermés à notre regard, nous échappent. Ces deux là ne sont que l'un à l'autre et l'autre à l'un, le temps et l'espace de la photo. Cette photo est nue, brutale, cette photo est pour moi une des plus belles images de "mère à l'enfant".

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J’ai trouvé la salle d’attente du secrétariat permanent. Il n’y a pas de distributeur de tickets avec des numéros. D’ailleurs il n’y a presque personne, juste une jeune maman et son bébé. Enfin, jeune, je sais pas. Je ne vois pas son visage, parce que toute la masse de ses cheveux retombe très noire (elle est entièrement penchée vers le petit corps replié entre ses deux bras parallèles). Je ne vois pas le visage du bébé (tout son corps est orienté vers le sein de sa mère). Je ne vois pas le sein non plus, mais les plis d’un pull retroussé au-dessus du crâne du bébé, et deux mains, une grande, qui retient le pull, une toute petite posée sur la grande.

Le tiroir à cheveux
, août 2005, POL.

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