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mes élèves sont en vie

Je suis revenue de la ville et j’en parlerai bientôt car j’en ai des choses à dire (je ne pourrai d’ailleurs pas tout dire…). Mais pour le moment, place à mes élèves…

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Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer sur cette photo, mes élèves sont en vie.
Oui, ils sont vivants*.
Alors, lorsque je les lance sur un sujet comme “inventer une écriture artistique”, ils créent avec plein de choses, et pourquoi pas avec leur corps en entier et des tabourets pour la lettre A ?

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Et pourquoi pas avec une installation à partir d’une trousse de maquillage ?

Je les laisse en autonomie, et comme ces élèves on super bien travaillé toute l’année, qu’ils sont sérieux et sympas, que c’est l’avant-dernier cours, lorsqu’ils me demandent, une fois le sujet terminé, s’ils peuvent continuer à se maquiller, même les garçons, je dis d’accord. Lorsqu’ils me demandent s’ils peuvent me mettre de la couleur, qui part à l’eau, dans les cheveux je dis oui, allez. Et on décide ensemble de tous se faire des mèches et de le proposer à toute l’équipe pédagogique. Pour fêter cette fin d’une année très productive, d’échanges, de rencontres, d’enrichissement mutuel.

Je pense à mon livre mais bien sûr je ne leur en parle pas. Déjà que j’ai des idées un peu “tordues”

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Je leur dis d’accord, parce que, oui, comme l’écrit une de ces élèves avec des éclairages et du carton à la manière de Fred Eerdekens, mes élèves ne sont pas comme le garçon de ce livre, mes élèves bougent, communiquent, ils sont en vie…

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* Mais ceux qui sont morts ? Les suicidés, les accidentés… Des fois je pense à eux, et je pense aussi à ceux qui, déjà, sont devenus adultes et parents. Mais ceux-là, ce ne sont plus mes élèves. Tandis que les morts, ils sont morts encore élèves, et alors, ils étaient vivants, pleins de vie, comme on dit. Aujourd’hui c’est à eux que je pense.

…à la ville

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Juste un petit mot pour vous dire que je m’en vais “à la ville” quelques jours pour le lancement de “l’été des libraires” et ce sans ordinateur, je vais donc m’aventurer dans des contrées sauvages, sans confort technologique, et ne pourrai pas valider les commentaires… Merci de votre patience et à la semaine prochaine.

les bibliothèques

Les grandes bibliothèques des villes, ce sont des lieux précieux, où j’aimerais beaucoup écrire. Les petites bibliothèques de villages n’ont pas de salle de travail, elles n’ouvrent qu’une heure ou deux par semaine, et bien sûr cette heure-là est rarement compatible avec mon emploi du temps…

J’ai en mémoire la belle séquence des Ailes du désir de Wenders, avec ce mouvement de caméra parcourant la bibliothèque de Berlin, mon rêve avec la BNF, où je vais toujours faire un tour quand je vais à Paris, j’ai même un badge pour circuler là où c’est interdit car mon beau-frère (celui du doryphore) y travaille.

Je me console en me disant que les bibliothèques des villes (et de certains villages aussi, d’ailleurs) accueillent mes livres, et parfois même les mettent en avant par des coups de coeurs, des ateliers de lecteurs, des sélections : merci donc à la médiathèque de la ville de Lorient, à la médiathèque de Montreuil X 2, à l’ensemble des bibliothèques municipales de Grenoble, à la médiathèque de Noisy-le-Sec deux fois aussi, à la bibliothèque départementale de prêt de Savoie et de Haute Savoie , au CRDP de Rennes pour sa valise “romans lycées”, à la bibliothèque de Romainville, la médiathèque de l’Agglomération troyenne, la médiathèque Guillaume Appolinaire de Chatou

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Je me console aussi et surtout en allant dans les bibliothèques qui m’invitent : merci aussi (dans le désordre) à la médiathèque de Poitiers, à la médiathèque intercommunale de Valgorge, à la médiathèque de Divonne, à la bibliothèque associative de Cuvat, à la bibliothèque des Villards-sur-Thône, à la médiathèque de Annemasse, à la bibliothèque cantonale universitaire de Lausanne (en photo), à al bibliothèque de Clichy-sous-Bois, à la médiathèque des Vans, à la bibliothèque du Pouzin, à la médiathèque de Cahors, à la bibliothèque des Houches, à la bibliothèque de Perrignier…

mots choisis, puissance parentale

Christian Jacomino, directeur de l’atelier de lecture et de pédagogie du français “Voix haute” (voir les coulisses ici) m’a commandé un texte pour son expérience pédagogique très intéressante, et nécessaire, de “lecture collective sur grand écran” , très justement nommée “mots choisis”.

Car savoir lire c’est savoir écrire, et savoir écrire, c’est avoir la possibilité, voire “la permission”, de s’exprimer librement et consciemment, sans se laisser malmener par un vocabulaire limité, aléatoire, parfois tellement mal maîtrisé qu’il en devient péremptoire : c’est la pauvreté d’un vocabulaire qui décide de ce qu’on va écrire, et, petit à petit, la pensée se soumet, se laisse guider, toute rétrécie faute de pouvoir être écrite et communiquée.

Nous avons reçu ce papier en salle des profs :

“Objet : autorisation parentale certifiée pour mineur pour interuption scolaire

Je soussignée Lucien XXX, née le XXX1962, demeurant à XXX, en ma qualité de père de quentin XXX, né le XXX, demande l’autorisation pour mon fils à arrêter l’école à partir du 8_06_2007, car il doit commencer son apprentissage (…)

J’atteste avoir le plein exercice de la puissance parentale à l’égard de cet enfant.”

Je ne commenterai pas les fautes d’accord de genre, ni l’absence de majuscule pour le prénom, ni l’absence du “r” dans “interruption” (peut-être une coquille), ni la formulation un peu malaisée (“demande l’autorisation à arrêter”), mais par contre “le plein exercice de la puissance parentale” m’inquiète.

La pauvreté du vocabulaire, l’approximation, l’idée qu’un mot ou un autre “c’est pareil”, sont révélateurs dans cette lettre d’un certain état d’esprit.

Cette expression “puissance parentale”, car cette expression, mélange de l’expression “puissance paternelle”, qui n’est plus en vigueur depuis 1970, (le père en question avait alors 8 ans !) et “autorité parentale” (partagée entre les deux parents) parle plus qu’elle ne dit…
Elle parle d’une tendance réactionnaire, un repli vers des valeurs excessivement autoritaires, absurdes, et tellement mises en valeurs dans notre nouvelle vie politique…
Elle parle du machisme ambiant de nos campagnes.

Mais elle parle surtout de cette vacance du mot recherché, introuvable. Elle parle de l’absence de choix : quand les mots ne peuvent pas être choisis, quand le choix de mots est trop limité.

Elle parle de cette autorité excessive du père, qui décide à la place de son enfant, mais aussi de ses professeurs : à quoi sert l’école en juin, alors que l’enfant va commencer un apprentissage, à quoi sert d’apprendre encore un mois ? Le père manque de mots, pourquoi le fils aurait la possibilité d’en connaître plus ?

Voilà, c’est parce que des lettres comme celles-là sont si “malécrites” (comme malentendants, malvoyants) que le projet de Christian me touche et me concerne, nous concerne tous.

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Or, comme par hasard* (mais ce ne peut pas être un hasard), pour le texte qu’il m’a commandé et que j’ai commencé d’écrire j’avais choisi ce sujet de la “puissance parentale” : l’histoire d’une fille qui devient majeure à 19 ans, un jour, d’un instant à l’autre, parce que la loi ce jour-là changé...

En quelques secondes j’étais libre, non, délivrée. Normalement, j’avais pas le droit d’écouter la radio. J’avais le droit de rien d’ailleurs. Mais le père était dehors et la mère aux courses, et le silence dans cette maison était celui d’une cave, humide, froid, putride un peu. J’étais à genoux pour gratter le carrelage, le visage dans le mouillé, dans l’odeur de la serpillière et la morve de mes larmes. Je me suis relevée pour chercher un mouchoir et j’ai vu le poste, l’objet culte du vieux, sa propriété, son bien, contre lequel il restait collé des heures l’oreille siamoise, comme je pouvais le détester. Je le détestais si fort que je crois parfois le détester encore, même mort“
(Extrait de Majeure, texte en cours d’écriture pour ”Mots choisis“).

* L’idée vient d’une amie de mon mari qui nous a raconté comment elle est devenue majeure par surprise à 19 ans.

Je vous ai menti…

Oui, je vous ai menti : tout ce que j’ai prétendu ici et lest faux, je n’ai pas été publiée par la poste, car les maisons d’éditions, tout le monde le sait, ne lisent pas les manuscrits reçus par la poste.

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La preuve, voici les confessions d’un tourne-pages.

C’est pourquoi je ne peux que vous conseiller d’envoyer les-dits manuscrits aux éditions du “superamas local” qui éditent tout de même 700 000 manuscrits sur les 250 millions reçus par la poste…

Qui a dit que les écrivains cherchant un éditeur étaient paranos ?

Car ceux-là se qualifient d’écrivains, des vrais, quand nous ne sommes que des “subventionnés”, surtout les poètes, soit-dit en passant, hein, vous avez pas honte de vous balader en Aveyron aux frais des contribuables. Bon, de toute façon, la littérature c’est pas utile, alors enfin il était temps, même les études littéraires ne vont plus être financées par les fonds publics (et les arts plastiques, c’est pire, y a que des glandeurs intermittents).

Ah, au fait, mon fils est admis en 1ère L Arts, Cinéma Audio-visuel en option de spécialité, Histoire des arts et même Musique en options facultatives, non mais là, il cumule, il va ruiner la France… J’ai honte, mais je crois que je lui ai montré le mauvais exemple.

Un peu d’hiver en été

Lorsque Paul O-L m’a demandé si je souhaitais publier Les Adolescents troglodytes en septembre ou en janvier, je lui ai répondu sans hésitation : en janvier, c’est un livre d’hiver, en septembre il fait trop chaud.

Mais voilà, ce livre est sélectionné pour “l’été des libraires” : plus d’une centaine de libraires indépendants ont sélectionné 6 romans français et 6 romans étrangers à lire en pleine chaleur.

Après tout, si mes ados et leur chauffeuse se réfugient dans la grotte pour avoir moins froid, on peut aussi, en pleine canicule, y chercher un peu de fraîcheur.

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Et, c’est assez rare pour être signalé, je serai à cette occasion en ville, oui, à Paris même, du 20 juin au soir au 24 matin. J’en profiterai, ça tombe trop bien, pour aller à la deuxième “nuit remue“.

Et comme pour fêter cette bonne nouvelle, je suis en train, moi, de dévorer des hivers époustouflants, magnifiques, noirs et crus, vraiment vraiment je trouve pas les mots, j’en parlerai encore et encore, lorsque les aurai finis, ce sont les hivers écrits par Marie-Laure Zoss dans son recueil de poésie Le noir du ciel aux éditions Empreintes. Il est un peu long de commander des livres suisses (et oui Marie-Laure Zoss rejoint mes chouchous Suisses, ou frontaliers, vers lesquels je me réfugie dès que la température monte), mais il ne faut pas hésiter, et savoir patienter, pour avoir cette oeuvre entre les mains : pour être saisi, saisi non par le froid de ces hivers (encore qu’elle le restitue si bien qu’on en a la chair frissonnante), mais saisi par cette incroyable travail de la langue.

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Coquilles

Il y a quelque chose qui énerve dans les livres, ce sont les coquilles.

Mallaury m’avait ouvert les yeux sur une belle et poétique.

Il serait temps maintenant que je parle de celles qui m’embêtent le plus : celles de mes livres.

Dernièrement, lorsqu’on m’a appelée pour me dire “on réimprime, vous avez vu des coquilles ?”, j’ai dit “ben non”, parce qu’évidemment les lecteurs me les désignent trop tard, ou je m’en aperçois encore plus tard, lors de lectures publiques de mes propres textes, parce que ces textes-là, non, je ne les relis pas pour moi seule, pas envie, et puis j’ai tellement d’autres textes à lire…

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Souvent, des lecteurs prennent pour des coquilles ce qui n’est que langage du coin, local, ou juste connu sous sa forme orale : dans ”Je regarde les autres, trempes et crevés“, il ne manque pas l’accent, il s’agit bien de ”trempes“, plus fort que ”trempés“… (p.192 des Adolescents troglodytes).

Tournures de mes pays que tout le monde ne comprend pas forcément Les verbes ”bader“, ”répapiller“ du Tiroir à cheveux étaient difficilement traduisibles, ou bien il fallait mettre de côté tous les abords de leur sens, et surtout abandonner l’accent et ça jamais ! Dans mes livres il y a des accents, j’y tiens !

Les ”cagarauletas“, puisqu’on parle de coquilles, ne sont pas des escargots comme les autres… ni les ”pouffres de roc“ de Pas devant les gens des poulpes ordinaires

Mais l’inverse c’est produit aussi… et dans Le Tiroir à cheveux (p.49), “J’étais à plage je me souviens “ n’est pas une tournure régionale, comme l’ont cru certains lecteurs, mais bien une coquille, il faut lire “J’allais à la plage je me souviens “…

Il y a par ailleurs des coquetteries stylistiques de ma part qui ne sont ni des coquilles ni des erreurs… Par exemple p.169 des Ados, ” je n’ai pas confiance au soleil”, et non “dans le soleil”, parce que c’est aussi : je n’ai pas confiance, s’il fait soleil… je n’ai pas confiance quand je suis au soleil, ni dans le soleil…

Dans Les Adolescents troglodytes le passage du féminin au masculin est volontaire… Je le dis, parce qu’il y a des lecteurs qui, si si, qui me font remarquer des problèmes d’accord de genre alors je soupire en leur disant heu oui, continuez à lire, vous comprendrez. Quand ils ne continuent pas, lassés pour des tas de raison (“c’est bizarre”, “y’a trop de nature”…) , ils confirment : je te jure, ton éditeur a laissé passer plein de fautes d’accord… Je me rassure en me disant que ces personnes sont des “proches” qui se sont forcés à lire ce roman que je ne leur avais pas conseillé, mais comme ils me connaissent, ils veulent “voir”… passons et revenons à nos escargots :

Toujours dans les Ados, p. 54 : “mais il a voulait bien m’accompagner” Le ”a“ est en trop.

p. 180 : ”Excusez-les, madame, ils jouent encore au cow-boys, vous savez“ là ce n’est pas vraiment une coquille, c’est un ”madame vous“ qui est resté après le passage au tutoiement , il m’a échappé (et je peste)…

Et enfin, la pire du pire, alors que j’avais très travaillé cette fin, oui la pire des coquilles de tous mes livres est à la fin des Ados : un ”r“ manque à la dernière phrase ”renter le jour, le froid et le bruit“ , moi qui était restée un bon moment sur le rythme de cette phrase…

C’est tout ? Je crois bien que non, alors merci par avance, même si c’est assez désagréable, de me les signaler dans des commentaires-corrigés.

En photo : un escargot de Paul dans la cage du loir…

Fin gras

Aujourd’hui c’est fête du fin gras et du cercle des sources.

En maman exemplaire, j’ai donc amené mon petit Paul défiler parmi les veaux et les vaches.

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Et puis il faut que je sois fidèle à mes origines paysannes.

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Dans la grotte de mes ados aussi, on n’échappait pas à la cistre* qui donne le goût du fin gras

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“On rentre pas tous les neuf autour de la table mais c’est marrant, parce qu’on est coincés derrière la vitrine où pendouillent nos vêtements. Pour faire de la place et concurrencer Joël, Julien va s’asseoir au fond de la grotte, sur la vache sculptée (contemporain). Devant la bête en bois, il y a un écriteau qui fait de la pub pour la viande au léger goût de persil. C’est vrai qu’on a faim, mais déjà on se partage ce qui traînait dans les poches, et ça va nous passer, je sais et ils savent qu’on peut tenir pas mal sans manger.

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De la buée se met sur la vitre, on dessine, on arrive pas à s‘ennuyer. Si je pensais pas à Tony, aux parents, à leur inquiétude, si je savais pas qu’ils y pensent tous, je me sentirais même bien.

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(…)

Les bâillements se contaminent. Il est deux heures du matin. Julien fait le tour de la vitrine pour rejoindre la chambre de l’autre côté de la grotte. Il se penche en face de nous et touche l’édredon, je lui fait signe, non, il est trop humide, je crois même qu’il a pourri. Son dos est irréalisé par les deux parois vitrées. Il revient, ramasse la couverture laissée par Nadège et trifouille dans le râtelier pour récupérer un peu de foin séché, mêlé de cistre, étouffant de poussière. Je soulève le poupon du berceau pour en sortir la paille et je le donne à Marine, personne ne se moque.

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On étale le foin et la paille dans le fond de la grotte, contre la mangeoire, et mes gamins se couchent en se serrant (le lit c’est pour toi, Adèle, c’est pour les vieux).

Je ne vais pas me coucher. Je retourne m’asseoir au coin repas et je les regarde s’endormir. Je ne sais pas qui est tout contre qui. Je ne suis pas certaine de distinguer les petites dans l’ombre des plus grands. Je m’en fous. Ils sont là, en trois tas, dans une proximité qui m’échappe et me rassure. Les flammes de loin attrapent les reflets argent et or des couvertures de survie, qui bruissent au moindre mouvement, et bientôt se taisent.”

Les Adolescents troglodytes

* Lors de la correction des épreuves bien sûr ce mot était souligné et bordé d’un point d’interrogation, comme tous les mots “régionaux” de mes livres, et à ce propos, je prévois pour bientôt une note sur les coquilles…

Titres et couvertures

La Rivière, la rivière était le titre de ce texte.

“Emmanuelle, “La rivière, la rivière” est assez mal perçu en général, notamment par les
services commerciaux, ce qui n’est pas bon pour le livre”
m’avait-on écrit…

Et voici la couverture, très inspirée des photos de Cécile*, qui était prévue à l’origine :

À la place de :
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Alors je m’étais un peu énervée :

“Ce qui ne me plaît pas surtout dans cette image, en plus de voir un
visage, c’est la couleur. Le rouge ne correspond pas du tout à ce que
vous appelez “le propos”. Le rouge n’a rien à voir avec ce que j’ai
écrit, ni à la façon de l’écrire. Alors ça m’embête beaucoup. Est-ce
qu’il n’est pas possible, au moins, de changer la tonalité de cette
photo, et de la basculer en bleu ? Le bleu bien sûr c’est une couleur
froide, mais pas seulement : dans le texte elle répond au retrait de la
mère, mais aussi à la mer, à la rivière, à la bille, au feu follet, au
jour, et j’en passe. Merci de tenir compte de tout ça.
Emmanuelle.”

“Emmanuelle,
Votre réaction ne m’étonne en rien mais sachez que pour les couvertures, je
ne suis pas seule à décider (service artistique, commercial…). Le
problème, c’est qu’en bleu, le service commercial ne trouve pas ça attractif
et je crois qu’il faut leur faire confiance, ils imaginent tout de suite le
placement sur les tables de librairies pleines à craquer comme vous savez;
ils visent une note plus distinctive. Le rouge attire l’oeil et rompt avec
une tonalité un peu molle. Attention, une couv n’est qu’une couv et votre
texte reste votre texte, c’est juste un paquet cadeau en somme. Je ne
voudrais vraiment pas que vous vous froissiez à cause de ça, ce serait trop
bête. La tonalité rouge donne une ambiguité intéressante sur la plan
commercial, profitons-en.“

Mais pourquoi attendais-je de La Martinière autre chose que du “commercial” ?
En plus, c’était inefficace, c’est le livre qui s’est le plus mal vendu…

Au Rouergue, on n’avait pas voulu non plus de mon titre - À goutte - pour ce texte. Mais au moins, la couverture est très belle, grâce à Chloé Poizat.

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Chez POL, aucune difficulté : la couverture est blanche, les auteurs choisissent les titres et écrivent même leur quatrième, ce qui m’a permis d’inverser la narration pour Le Tiroir à cheveux.
Mais voilà, paraît-il, beaucoup de personnes en librairie reposent
Les Adolescents troglodytes après l’avoir tourné… Tant pis, c’est le revers de cette liberté qui nous est offerte de concevoir jusqu’au dos des livres, et de ne pas céder au commercial…

* Ces photos avaient été faites pour ce roman.

Pluies

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Tout-à-l’heure en (re)lisant d’affilée toutes les notes du carnet de Marc Pautrel j’ai repensé à cette série de photos que j’avais faite de Paul sous la pluie d’août, il y a presque 3 ans, dans le Vercors. Il marchait depuis moins d’un mois. Pourquoi ce rapprochement ? Peut-être à cause des détails, des petits cailloux triés, cette idée de s’arrêter sur quelque chose, et puis de partir loin. De voir loin. En noir et blanc et gris et mouillé. Peut-être à cause de ce livre qu’il a publié, Le Métier de dormir où les récits me font penser à des minuscules îles, des rochers, des récifs. Clairs et pourtant opaques, insaisissables mais qu’on pourrait pourtant toucher, en marchant à travers la brume des phrases, les gouttes précises des mots. Observer. Marcher. C’est-à-dire comprendre le monde, le prendre ou bientôt : l’écrire.
Le Vercors aussi est une île, petite, étroite, et immense à la fois.