Suite des rencontres : avril 2007
C’est encore un mois très riche, avec des rencontres incroyables, et justement inénarrables, mais je m’y colle, j’essaie quand même.
Vendredi 13, bibliothèque associative de Cuvat (“Lettres Frontière”).
Là je rencontre beaucoup de personnes de “Lettres Frontière” et notamment Mireille Hubert, qui me loge. Mireille est une prof de gym à la retraite, une lectrice jamais rassasiée et surtout très très exigeante. On se raconte nos lectures et j’adore ça.
La rencontre à la bibliothèque est tout aussi passionnante.
Le lendemain je repars avec de l’huile d’olive faite par la fille de Mireille qui vit juste en-dessous de l’Etna (la concurrence est rude avec l’huile de Belugo faite par Alain) et surtout avec un cadeau merveilleux qui sera pour moi une découverte.
Puis nous allons faire une petite ballade au bord du lac d’Annecy en attendant de retrouver Agnès, la bibliothécaire bénévole de Villards-sur-Thônes. Mireille me montre alors le lieu de tournage d’un film, celui que son fils vient de terminer (bientôt sur Arte et dans les salles), Candidat Libre avec Olivier Gourmet, acteur que j’aime beaucoup, et on se trouve des films adorés en commun, spécialement celui-là…
Samedi 14, bibliothèque des Villards-sur-Thônes (“Lettres Frontière”).
Alors là, je continue à passer un samedi incroyable.
Tout d’abord je me retrouve pour déjeuner dans une ferme chez Agnès Sylvestre, bénévole à la bibliothèque, dont le mari est paysan et éducateur spécialisé (ados en difficulté) à la retraite.
Je me sens bien sûr à l’aise dans une ferme (un “bidon-ferme”, me précise Agnès), mais très vite je m’inquiète, car dans le bazar accueillant quelques indices religieux me posent problème. Je comprends vite que j’ai tort : les Sylvestre sont des chrétiens pratiquants, oui, mais pas des cléricaux extrémistes, ni des cathos de droite obtus (ils militent d’ailleurs à la Conf), et nous discuterons spiritualité, société, littérature comme jamais je crois je n’ai pu le faire. Le repas du soir se passera pareil, exaltant de paroles échangées.
J’en garde un souvenir extraordinaire : “le jour où des exploitations agricoles seront tenues par des arabes j’aurai confiance en la société” me dit le mari, qui accueillera au moment du café un Algérien, pratiquant lui aussi, et lui aussi non extrémiste (“cette année je crois que je vais pas aller au bled, car les barbus sont devenus fous, j’ai trop peur”) avec une partie de ses enfants (il est arrière grand-père) et sa femme, pour leur permettre de tuer un mouton tranquilles.
Ce paysan chrétien humaniste me dit aussi ce qu’aucun lecteur du Tiroir à cheveux n’a formulé ainsi, et qui me touche beaucoup, à propos de ma narratrice. Il m’explique que ce qui l’a ému, travaillé, saisi même, c’est qu’elle est béante et bétonnée à la fois, il répète : “la béance et le bétonnage”…
Tout l’après-midi, parce que j’en avais entendu parler à la radio, on va se faire une petite promenade “art contemporain” avec une copine d’Agnès : on va voir notamment ce tout nouveau squelette d’une espèce devenue rare, découvert il y a peu, le Deupatozaurus de Ghislain Bertholon. Puis la copine d’Agnès m’emmène dans une fondation, où on reste un moment médusées toutes les trois devant la très belle La Nuit recule de Christain Lapie.
Ensuite, c’est le moment de la rencontre : à la bibliothèque je fais la connaissance de Thierry Caquais, qui exerce la drôle de profession d’“animateur littéraire” et j’apprends l’existence dans ce village d’un chouette festival de cinéma, le “festival du film à la con”…
Comme souvent, je repartirai avec des cadeaux : un livre pour mon petit Paul et un pour moi (qui fait suite à nos discussions).
Vendredi 20, rencontre au “Tradéri Qâhwâ” bar-resto à Aubenas, où j’ai grand plaisir à retrouver Yves et toute sa famille, (que j’avais rencontrés à l’occasion de la présentation du livre d’Orion) et les libraires d’Aubenas.
Il faut imaginer des questions pertinentes, des personnes attentives, et ce dans une ambiance festive, un décor dans le resto conçu exprès pour la rencontre, et même un menu (la rencontre se fait avant et pendant le repas) concocté en fonction du livre et de “mon univers” : des sardines grillées succulentes en entrée, et au dessert bien sûr des “dames blanches” : “Les histoires d’éboulement ici c’est comme les histoires de dame blanche aux bords des routes. Tout le monde sait et ne sait rien. Tout le monde en a vu ou son frère ou son cousin. Dans un tournant, non c’est au fond des lignes droites, c’est là où y’a eu des morts, t’es trop con.” (Les Adolescents troglodytes)
Vendredi 27 à Divonne (“Lettres Frontière”) en compagnie de Franck Pavloff.
J’ai revu avec émotion mon poète préféré venu en voisin.
Divonne est une ville résidentielle (frontalière avec la Suisse) si “propre” qu’une des bibliothécaire me confiera en me désignant un tag sur un mur : “ne vous y trompez pas, c’est un faux, la mairie paye quelqu’un pour en faire, pour que ça fasse un peu vivant” !
Et maintenant je laisse Franck Pavloff raconter (in Livre Hebdo du 11 mai) : “Je termine sur les genoux, mais dans le calme de la bibliothèque de Divonne-les-Bains. À mes côtés, Emmanuelle Pagano (…). Même attirance malgré notre décalage d’âge, pour Giono et Genet, leurs écritures sensitives, âpres, sensuelles, flamboyantes, frottées aux souches des collines ou aux murs des geôles. Emmanuelle s’est extraite à l’aube de ses hauts plateaux ardéchois, la fatigue de mes voyages vrille ma nuque, on s’en fiche; (…) les frontières reculent. Signatures, jus d’orange et vin de Savoie, une bibliothécaire émue laisse échapper les perles de son long collier. Et puis voilà Paulette, lectrice au verbe haut, qui gère une agence postale dans un bourg voisin. Elle organise son poste de travail en toute liberté ; demain elle placera sur une étagère, bien en vue, les livres achetés ce soir et, s’ils le désirent, les clients pourront les emprunter. Pour caler un objet brinquebalant dans un paquet postal, au lieu d’utiliser le papier à bulles ou ces ridicules chips en polystyrène, elle rajoute un roman par-dessus ou coince un recueil de nouvelles sur le côté. ”Si, si ,dit-elle aux clients étonnés, le prix ne dépend plus du poids, alors autant faire voyager les livres. Vous verrez, il leur plaira celui-là“. Et hop, un coup de tampon. Merci Paulette”
J’étais là, je peux dire que Franck n’invente rien…
Samedi 28 : bibliothèque des Houches (“Lettres Frontière”).
C’est ma dernière rencontre “Lettres Frontière”. La bibliothèque est lumineuse au pays du Mont Blanc, mais il y a peu de monde car je ne suis pas skieuse… qu’importe, encore une rencontre vivante et riche et je ne peux dire qu’ajouter : merci à tous ceux et celles de cet assos, qui m’aura fait aller dans des endroits fabuleux rencontrer des gens incroyables.
Oh s’il vous plaît sélectionnez moi pour “lettres Frontière 2008” !