Le Tiroir à cheveux
pagano

Un extrait du livre est disponible sur le site des éditions POL

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Voir le Sang d'encre hebdo sur la TS et la remise du prix TSR du roman.

Sélections autres prix : prix librecourt, prix "lettres frontières", prix "cyrano" de Clichy sous Bois, prix du livre "CE 38"

Radio :

Dans l'émission "le matou revient" le 9 mai 06 sur Radio Campus de Lille : Patricia m'avait mise très à l'aise, j'ai pu parler tranquille de choses qui ne me laissent pas tranquille... sur Radio Campus


Emmanuelle Pagano sur le fil de la légitimité d'écrire

Emmanuelle Pagano était présente en tant qu'auteure au salon du livre du 1er mai à Arras. Dans son dernier roman "Le tiroir à cheveux", elle raconte l'histoire d'une toute jeune femme qui n'a pas demandé la permission d'être enceinte à 15 ans. Et d'ailleurs, comme le dit l'écrivaine, elle faisait plein de choses sans autorisation. Inspirée par "la religieuse" de Diderot, mais partie de l'histoire réelle d'une voisine, elle décrit le quotidien oppressant de son héroïne, où l'on sent l'enfermement à chaque page. Mais entre les lignes, on y détecte aussi l'amour de cette femme pour ses deux enfants, dont l'aîné est très handicapé ("il rêve éveillé"), et aussi son esprit d'indépendance, de résistance qui grandit au fur et à mesure, après qu'elle ait vécu une jeunesse ballotée au gré des désirs de son entourage. Intéressant et rare aussi d'entendre une écrivaine se questionner sur sa légitimité d'écrire, sa honte de témoigner pour d'autres.  Interview et lectures.

PS : pour savoir toute l'histoire du film "vu à la télé" dont je parle dans cette émission, dont je ne me souvenais pas le titre, c'est ici, avec une énorme coïncidence lors d'une rencontre.

À la fin de l'émission, un bout de L'Enfance de Léo Ferré.

(cliquez ci-dessous pour écouter)

radio campus

Le 11 avril 06, dans le cadre du prix librecourt, j'ai eu l'occasion d'une rencontre avec des lycéens au mois d'avril dernier. Ils en on fait une chronique à la radio, leur radio. Cette émission est amateur, mais sincère, et la rencontre a été passionnante, j'en garde un très bon souvenir.

(cliquez ci-dessous pour écouter)

librecourt

Dimanche 23 octobre à la librairie francophone, sur France Inter, la RSR (Suisse Romande), la RTBF (Belgique) et Radio Canada (Québec).

À l'occasion des journées lettres frontières, petit enregistrement : des histoires de voisines (novembre 2006)

Dans le livre, la voisine, c'est moi, mais je ne sais pas qui d'elle ou de moi parle...

(cliquez ci-dessous pour écouter)

letiroir

Presse :

Le Matricule des Anges

L'enfant nu



Dans un style tout en délicatesses et retenues, Emmanuelle Pagano dévoile la grâce d'une maternité douloureusement précoce. 

Il est des romans qui font tout de suite, avant tout , une atmosphère. On y entre par les sens, comme en aveugle, on y ressent les choses et puis, peu à peu, l'histoire se dévoile par les odeurs, les sons, les couleurs, elle se découvre et on est pris. Emmanuelle Pagano, dans son troisième roman nous laisse d'abord voir les reflets de l'aube sur la chevelure blonde d'un enfant. Elle nous fait toucher la chaleur d'un printemps dans le sud à laquelle se joint celle des lasagnes aux escargots que la narratrice prépare et qui l'obligent à soulever le haut du pyjama de son fils Titouan « pour mettre de l'air sur son torse ».Elle mêle les « odeurs prononcées » des boues que la jeune mère utilise pour faire des couleurs aux cheveux des clientes du salon de coiffure où elle travaille. Elle décrit très bien la sérénité que provoque la respiration d'un enfant qui dort : « on entendait sa respiration si régulière qu'elle me paraissait sans fin. Elle aurait pu traverser les murs, le quartier le village les vignes, on aurait dit la mer. » 

Au plus banal du quotidien 
C'est sur cette sensualité dans laquelle on pénètre que l'héroïne a bâti son rapport au monde depuis la naissance de Pierre, ce fils sans père, cet enfant de la honte. Pierre, elle l'a eu à 15 ans d'un de ses amants brusques. Après, elle n'est plus allée à l'école. Pierre est « un enfant seul, c'est un enfant vide »un être amorphe, aveugle et sourd, débile. Peut-être a-t-il été victime de tout ce que sa mère a fait pour ne pas enfanter si jeune... « De temps en temps je le dévisage, comme ça, parce qu'on ne sait jamais, mais je croise ses yeux, je baisse les miens, parce que son regard nu, ça me fait devenir seule. » Sa mère a la passion des cheveux, une passion arrimée au corps qui lui permet de travailler sans diplôme dans un salon de coiffure. Elle aime coiffer, peigner, plonger ses doigts dans les chevelures, malaxer. Elle possède une intelligence des sens renforcée par le contact qu'elle entretient avec ses enfants. Car ils sont deux, depuis la naissance de Titouan, trois ans après celle de Pierre. Son père à celui-ci a préféré mettre son casque sur les oreilles et s'avachir devant la télé à l'heure des feuilletons, plutôt que de réfléchir avec son amante au devenir de cet enfant inattendu. Titouan non plus n'aura donc pas de père. Mais il voit, entend, comprend et sa respiration paraît sans fin. 
Et puis il y a la voisine, fille de gendarme comme la jeune maman, et comme elle vivant son adolescence dans la gendarmerie, où chaque année, les hommes et leurs femmes se retrouvent à la Saint Sylvestre, comme pour regarder ensemble un film porno. Cette voisine-là, qui lit beaucoup, et ne prend guère soin de ses cheveux, ça pourrait bien être Emmanuelle Pagano elle-même. La romancière s'est trouvée devant cette énigme qu'est un enfant sans parole et sans regard, sans intelligence mais qu'une mère aime, du corps au corps. Par des phrases très simples, elle nous plonge au cœur de ce sentiment maternel, presque instinctif, auquel elle donne toute la grâce d'une poésie sans pathos et qui n'exclut pas le prosaïsme de la vie pauvre, modeste de son héroïne. Il n'empêche : dans le rapport animal que le handicap du fils impose, la romancière défricheuse une maternité préhistorique, originelle. Quelque chose de lumineux posé au plus banal du quotidien et qu'une menace vient rendre encore plus fragile.



Thierry Guichard Le matricule des anges , septembre 2005



Libération

Cheveux d'anges



Une fille mère et ses deux enfants. Une histoire tressée serré par Emmanuelle Pagano.

Le tiroir à cheveux dont Emmanuelle Pagano a fait le titre de son troisième roman (et une malle au trésor entrouverte) est un tiroir de coiffeur. Il contient des mèches qu'on ajoutera à celles de la cliente, de manière à les allonger ou à les étoffer. Le procédé s'appelle une extension et non plus un postiche. Apparemment, cela s'emploie au pluriel : «« C'est ma première coupe, très réussie. Ce sont mes premières extensions. Ce sont même les premières extensions du salon. » Là-dessus, sur ce triomphe dont sa vie est à peu près dépourvue depuis vingt ans qu'elle dure, l'apprentie coiffeuse décide de changer d'orientation. 
On ne dira pas ici au profit de quoi ou de qui. Les cheveux ne sont pas en cause. Doux ou rêches, fins ou drus, quel qu'en soit l'état, « les prendre dans mes mains, ça me travaille, j'ai du mal à me retenir ». On voit qu'ils suscitent chez notre capillophile bien plus qu'un intérêt professionnel. Une mèche de ses propres cheveux lui tenait lieu de grigri, à l'époque où elle était enceinte de son premier fils, Pierre. Elle avait 15 ans. Le moment de l'ac- couchement venu, personne n'était au courant, ni son compagnon (« il répétait quelle conne mais vraiment quelle nulle »), ni les parents (« comment ça vous autoriser à pratiquer une césarienne »). Ensuite, elle a laissé son enfant à la gendarmerie, car le père est gendarme, et pas un gendarme pour rire. A vécu quelques mois avec un type superbement chevelu. Il distillait, c'est interdit, de l'isabelle. « Quand les gendarmes sont venus, il m'a mis une trempe. » Ce n'étaient pourtant pas les collègues de son père. 
Une galère de plus, un enfant plus loin, seule avec Pierre, 5 ans, qui vit une partie de la semaine à la gendarmerie, et Titouan, 2 ans, ainsi la trouvons-nous au début de l'histoire. Une histoire dans laquelle il n'y a pas que des tresses, et pas que de la détresse non plus, au contraire. Quel est le lien entre ce goût pour les cheveux et l'amour de cette fille pour ses enfants, on n'a pas besoin de le savoir, justement il s'agit d'un lien, pour quelqu'un qui en manque. Le texte nous fait sentir que c'est affaire de toucher, de doigté, de bien-être. Sortie de bain pour Pierre : « Je frotte tout son corps, puis je le découvre peu à peu, calme, pour lui passer de l'huile d'amande douce et calendula, lentement, si lentement que j'ai l'impression de toucher quelque chose en lui, de caresser son rythme. » 
Il n'est pas écrit que Pierre est handicapé, mais chaque geste le dit, le harnais pour le soulever, le système pour le caler dans l'eau, pour introduire la nourriture dans sa bouche, la difficulté de ne pas s'ennuyer quand on s'occupe de lui. Il n'entend pas, n'a jamais pleuré, ne voit rien. « Elle me dit ça y est on a une place » est la phrase, prononcée par la grand-mère des petits, qui arrache la fille-mère au nid qu'elle a bricolé pour sa famille. Emmanuelle Pagano (elle figure dans le texte comme un peintre dans son tableau) fait avancer le monologue sans mettre forcément Pierre en avant, le problème Pierre, le poids Pierre. Titouan, lutin futé, anime et allège l'existence, sauve son monde, on ne le voit pas tout de suite non plus. C'est fou ce que l'auteur et son héroïne obtiennent, à force de détermination et de soins conjugués.



Claire Devarrieux, Libération, le 8 septembre 2005



Fémina, Lausanne, 28/08/2005:

À priori banal, ce récit révèle sans brutalité, la vie d'une ado déjà maman. Paumée, révoltée, la narratrice est une fille persévérante, à l'idéalisme sot, qui se bat pour élever ses deux garçons. On apprend que l'aîné "c'est un mort qui n'est pas mort". Elle parle avec douceur de l'adversité quotidienne liée au profond handicap de son fils. Sur un ton optimiste et badin, Emmanuelle Pagano conte une prise de responsabilité emplie d'amour.

Coup de coeur de ELLE :
Elle aime les cheveux, tous les cheveux. Gras, rêches ou sales, elle y plonge avec volupté ses doigts et, de leur pulpe experte, masse les crânes. Prodigue ses soins à tous ceux qui veulent bien s'y prêter, aux clientes du salon de coiffure où elle est apprentie, bien sûr, mais aussi à ses deux petits garçons, Titouan et Pierre. Noirs bouclés et frangés, les cheveux du premier. Blond vénitien, ceux du second, en longues anglaises broussailleuses. Leur chevelure et leur corps, c'est ce dont elle s'occupe le mieux. Pour le reste... elle est un peu absente, un peu distante. Mère a 15 ans, cette ex-adolescente rebelle, déniaisée par les mauvais gars du coin, est fille de gendarme, chez qui ponctualité et propreté ont toujours rimé avec rigidité. Elle vit maintenant dans un studio, sous les toits, avec les deux fruits de ses ébats non désirés. L'un brun, l'autre blond, donc. De père différent et inconnu. 2 ans et demi, le cadet. Et l'aîné ? 5, 6 ans ? Sans âge, il ressemble à un corps mou et lourd, harnaché dans sa poussette, visage au regard vide, "aux yeux toujours gardés par les nuages", sans paroles. "Mon bout de lune", dit-elle de lui dont elle ne connaîtra jamais la voix. "Le Tiroir à cheveux" est un livre étrange et terrible, dont la narratrice, qui ne dit jamais son nom, n'est pas celle que l'on croit, mais sa voisine. Déroulée et emmêlée d'un ton neutre qui empêche tout mélo, cette histoire dite du bout des lèvres suggère pourtant une chose magnifique : la naissance, sur le tard, d'un amour maternel.

Isabelle Lortholary, in
Elle, 5 septembre 2005.

La Libre essentielle

Les enfants de la coiffeuse



Dans Le tiroir à cheveux, Emmanuelle Pagano offre son écriture à une jeune femme qui n'aurait pas les capacités pour être un sujet écrivant : fille de gendarme, femme de personne, mère de deux enfants, dont Pierre un handicapé mental suite à une grossesse refoulée, la narratrice n'a pas reçu l'empreinte de la littérature. Coiffeuse fascinée par la « texture » des cheveux, elle s'occupe de ses deux fils comme elle peut, pas si mal que ça au fond. Sauf au regard de certains (la société). De sa mère. Qui voudrait que Pierre soit placé. Un livre très justement écrit sur les gens d'à-côté.



La libre essentielle, le 14 septembre 2005



Le Monde, 23 décembre 2005
Chronique des jours d’une mère célibataire
Vivre sa vie

Le soleil s’est couché lentement
dans le rouge. Un rouge profond
comme celui d’un rideau de théâ-
tre. Au soir, les martinets ont
volé haut, tout en rond, dans le ciel.
Demain, le vent viendra de l’ouest. C’est
le cers. Il nettoie la grisaille. Balaye les
nuages. Installe le beau temps. Promet
la terre chaude et les odeurs qui mon-
tent. Il en est qui rassurent, qui apai-
sent, qui entourent. Mémoire des efflu-
ves. On peut se raccrocher à tant de
petits riens. La très jeune narratrice du
Tiroir à cheveux a gardé en rempart des
senteurs fugitives. Les ombelles des
fenouils, l’huile d’amande douce. Un
étrange viatique qui la tient étonnam-
ment intacte dans une vie d’accrocs. De
séquences brutales. Ses « copains » la
partouzent à plusieurs dans les bois.
« Ils me poussaient dans les églantiers qui
griffaient ma nuque mon dos, puis mes
seins mon ventre (...). Ma tête était pleine
de ronces. Je me laissais faire mais les
églantines étaient douloureuses. Je prenais
dans mes paumes égratignées leurs pétales
douillets. Je les broyais. Mes copains par-
fois me tendaient la main pour me relever.
J’avais peur que ça m’enlève le parfum aci-
de et chétif que je venais de voler, et que je
gardais précieusement dans mon poing. »
C’est le prix à payer pour s’imaginer
libre. Pour s’affranchir enfin d’une étouf-
fante famille. Les mots aigres, les cla-
ques. Le père encaserné dans une gen-
darmerie de village. La mère et son
ménage. Comment on s’émancipe sans
trop le faire exprès.
Elle a eu un enfant cette toute jeune
fille. Seule. A même pas 15 ans. « Je
m’en suis aperçue trop tard pour en par-
ler. » Un petit garçon blond qui ne sait
pas grandir. Gémissant et sans mots.
Qui ne peut pas marcher. Et un autre a
suivi, étonnant petit frère. Seule enco-
re. Elle joue à la maman jusqu’à s’en
épuiser.
Gardez vos mouchoirs secs. Pas plus
de mélo que de chronique sociale. Ce
court récit d’Emmanuelle Pagano (qui
a publié déjà : Pour être chez moi, éd. du
Rouergue, 2002 et Pas devant les gens,
éd. de La Martinière, 2004) parle d’apti-
tude au bonheur. De désir de revanche
et d’envie d’exister. Son héroïne tra-
vaille dans un salon de coiffure et voue
aux cheveux une vénération croissante
qui prend son origine dans le souvenir
du jour où, petite fille, on l’a forcé à cou-
per ses longues boucles brunes.
« J’aime les cheveux, explique-t-elle,
même gras, rêches, épais. Mats, soyeux,
souples au toucher, moites. J’aime toucher
les cheveux. Regarder de près leurs for-
mes, leurs couleurs, leurs textures. Et
m’approcher des têtes, par derrière, par
côté. J’aime surprendre les mouvements
des mèches. Les renifler en douce. » Une
embellie étrange. Les phrases simples
enveloppent une chronique terrible-
ment intime. Dans la désespérance dou-
ce d’un avenir inquiet. Le texte nous sai-
sit et nous fait chair de poule, entre
effroi et envie. Compassion et colère.
Effraction et respect. Tout est tellement
vrai, tellement dépouillé. Emmanuelle
Pagano est si proche et sincère... Ils
sont rares ces livres qu’on relit sans
attendre, comme si l’on voulait ne
jamais les fermer. Xavier Houssin.



Télérama, 28 décembre 2005
Elle descend de la montagne

spacer

Le Tiroir à cheveux.

pagano
D'un plateau de l’Ardèche, Emmanuelle Pagano sème les mots doux et rudes qui "coiffent les solitudes". Et publie
© Jérôme Bonnet pour Télérama

Le Tiroir à cheveux. Soudain, un sourire éclatant, amusé, fend la cohue et déboule droit sur vous. Elle est toute menue, porte les cheveux en liberté et l’habit des montagnards – anorak, gros pull, chaussures de marche. C’est donc elle l’auteur de ce roman que l’on tient entre les mains, un texte aussi épuré qu’incandescent. Son look fait désordre parmi les costumes-cravates des travailleurs d’Ile-de-France, fait désordre dans l’imagerie bon chic bon genre des gens de lettres. Emmanuelle Pagano ignore l’afféterie, la préciosité. Elle ressemble à son écriture, un miracle de rudesse et de rondeur.

Le Tiroir à cheveux est son troisième roman. Démarche – ou galère – habituelle : envois par la poste, attente. Elle ne récolte que des refus, même de ses deux premiers éditeurs, lassés des précédents bides. Et puis P.O.L prend le texte. Comme ça. Intact (sans retouches ni corrections). C’est un livre, effectivement, à prendre comme ça. Un livre à risques, qui bouscule, désarme, interroge, pour, au final, donner sens, bonheur. Si la littérature doit jouer un rôle, c’est peut-être celui-là…

Bien sûr, il y a l’histoire, une fragile histoire d’amour entre une mère et ses deux enfants, lente bagarre contre l’adversité, le destin. Mais cette histoire ne serait rien – n’hypnotiserait pas – s’il n’y avait l’écriture, sensuelle, à la respiration ténue, comme venue d’ailleurs, d’un monde où l’on ne redoute rien, la simplicité comme la violence, les pauvres mots comme les silences. Pagano excelle dans l’assemblage faussement dérisoire de la narration. Elle y va tout doux. Du bout des doigts, elle lisse et tisse comme s’il s’agissait d’une chevelure délicate les instants de la vie de sa narratrice, une jeune femme de 20 ans, presque encore une enfant. « Inventer une langue, c’est bien le minimum quand on se targue d’écrire ! » s’écrie la romancière, les yeux d’un bleu intense grands ouverts.

Emmanuelle Pagano, c’est un drôle de numéro, capable, à 36 ans, de s’enflammer comme une gamine. Elle a fait des études d’esthétique du cinéma, a laissé tomber sa thèse, est agrégée d’arts plastiques, enseigne dans un collège, parle de « [s]es petits sixième" avec la tendresse d’une chatte et avoue simplement avoir toujours écrit. « Petite, à la maison, un logement de fonction de la gendarmerie, je faisais cela en cachette. Dans mon entourage, écrire ou lire était considéré comme une lubie. Je pense vraiment que raconter que l’on écrit est prétentieux, inutile. Je me moque de moi-même, alors que je ne sais pas ne pas écrire ! »

Emmanuelle Pagano, les mots dans le sang, s’interroge encore et toujours sur sa posture d’écrivain, sur sa légitimité : de quel droit écrit-on ? Elle a trouvé une réponse : « Je pars du réel. Cela m’est impossible autrement. » Elle qui à plusieurs reprises parle de la honte d’écrire s’est approprié une autre histoire de honte, celle d’une voisine. C’était il y a longtemps. Elles étaient ados, vivaient dans la gendarmerie, ne se parlaient pas beaucoup. L’une (Pagano) lit, écrit comme une clandestine, et admire de loin l’indépendance, l’effronterie de l’autre. L’autre (devenue la narratrice du
Tiroir à cheveux) fait les quatre cents coups, fugue, sèche le collège, traîne, couche, victime quasi consentante de tournantes. A 15 ans, elle met au monde son premier fils, Pierre, un bébé gâché, un enfant vide. Elle ne dit pas handicapé, mais simplement : « J’ai honte de son corps, il est tout tordu. J’ai tellement honte que je n’arrive pas à être triste. » Et aussi : « De temps en temps je le dévisage, comme ça, parce qu’on ne sait jamais, mais si je croise ses yeux, je baisse les miens, parce que son regard nu, ça me fait devenir seule. »

La mère enfant est apprentie coiffeuse. Elle aime ça, « coiffer les solitudes », caresser les textures, admirer les reflets dans les chevelures, surtout celle si blonde de Pierre. C’est une innocente, une inculte, une qui n’a pas eu de chance. Elle déteste ses parents, et le monde avec ; elle est seule, s’ennuie, torsade le temps, vit au jour le jour, sait à peine songer au lendemain. Elle refuse l’apitoiement, par instinct ou dignité – un mot qu’elle ne connaît peut-être pas mais qui lui va bien. Elle a pour seules richesses patience, hypersensibilité et douceur.
Le Tiroir à cheveux est l’histoire d’une fille qui dit non sans qu’un son ne sorte de sa bouche, qui résiste, à sa façon.

Emmanuelle Pagano, « sans autorisation », s’est glissée dans la peau de son ex-voisine – comme pour lui faire un signe, lui dire, même avec du retard, « tu m’épatais ». Elle a imaginé une voix, une intonation, des paroles, pour celle qui vivait dans un monde de silences, de non-dits, de bêtises, de rejets. « La littérature n’est que du faux témoignage, mais parler des autres, c’est parler de moi », murmure-t-elle. Un livre a accompagné son labeur d’écriture,
La Religieuse, de Diderot. « Je me suis nourrie de ces lignes qui dénoncent l’enfermement et aspirent à l’indépendance. » Les ghettos l’obsèdent : « La gendarmerie était un espace vide de mots. La salle des professeurs, la bande de mauvais copains peuvent aussi être des lieux d’isolement. La solitude ne me fait pas peur. J’ai longtemps vécu seule. J’ai fait un choix de vie rude, sur un plateau perdu dans la neige, mais ce n’est pas cela être “seul”. Politiquement, je me sens seule. »

Elle parle de notre monde, qui enterre la curiosité, nie la culture, méprise la pensée. Occulte l’avenir, les enfants… Emmanuelle Pagano ne veut pas se laisser vaincre par la lassitude. Un train l’attend. Elle s’en va, seule, écrire d’autres mots pour ceux qui n’en ont pas. Elle est ravie.
Martine Laval

La solitude pour grandir




La narratrice de ce livre parle à la première personne. Nous ne saurons même pas son prénom. Ainsi elle raconte l'univers de ces adolescentes devenues mères trop jeunes : la vie quotidienne dans un univers frustre, la promiscuité du casernement de gendarmerie où elle passe son enfance, sa difficulté à réaliser sa grossesse, son incapacité à en parler, sa scolarité chaotique, un suivi médical inexistant, un cercle relationnel lamentable... Une seule chose éclaire sa vie : un attachement viscéral aux cheveux qu'il s'agisse de les toucher, les laver, les coiffer, les couper ou tout simplement d'en conserver une mèche au fond d'un tiroir. Les siens comme ceux des autres. Ce n'est pas ni la naissance de Pierre, avec le choc de son handicap, ni même celle de Titouan, un bambin plein de vie, qui la feront grandir. Il faudra attendre qu'elle chemine dans une réflexion solitaire. Il lui faudra dépasser le sentiment de honte, l'emprise familiale qui souhaiterait tant qu'elle place son aîné, et même l'abandon de son travail de coiffure pour devenir véritablement adulte et mère assument pleinement ses deux enfants : Pierre au regard vide et Titouan si facile à vivre. Un livre rare, sensible, qui aborde de l'intérieur le poids des paroles et du regard des autres, un poids de jugement, de reproche, d'incompréhension comme le poids du regard muet et bienveillant.

Annick PoullainPoints de Repère, février 2006

Lire

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Rendez-vous gare Saint-Lazare, à Paris, un matin de décembre. La foule est si compacte que l’on se demande comment repérer celle qui arrive de sa haute Ardèche et que l’on attend là avant qu’elle ne reparte ailleurs. Notre signe de reconnaissance : un petit livre blanc. Sur la couverture, son nom, Emmanuelle Pagano. Dessous, le titre, énigmatique,
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par Delphine Peras
Lire, septembre 2005
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«Je ferai de mon ventre un repli aussi peu visible qu'une conduite d'eau sous la route. Bétonnée.» De cette grossesse tellement dissimulée est né Pierre, un enfant pas comme les autres, «un bout de lune». A plus de cinq ans, il est toujours «trop grand, trop mou», «ses yeux sont au plafond», «il bave sans arrêt». C'est sa propre mère qui le dit, la narratrice de ce premier roman (note : c'est le troisième) éblouissant. Parce que son auteur a trouvé un ton inouï, sans une once de pathos, pour raconter l'histoire de cette fille de gendarme devenue coiffeuse par vocation, mère par inadvertance. Elle vit seule avec ses deux fils (Titouan, le plus jeune, est normal), dans un petit appart. Elle assume bravement le handicap de Pierre, la poussette à équiper, la pression des grands-parents pour le placer dans une institution spécialisée. Elle se fiche de tout, de tous. Pas de ses enfants, surtout pas de Pierre. «C'est mon fils après tout.»

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Emmanuelle Pagano
P.O.L
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Le soir magazine
L L


Le Tiroir à Cheveux

Une mère célibataire travaille dans le salon de beauté d'un quartier où tout le monde se connaît. En privé, elle vit avec son benjamin car l'aîné est chez sa mère. On comprend rapidement qu'il ne s'agit pas d'un enfant comme les autres. " Un gosse défendu qui bavait et coinçait tout le ciel dans ses yeux. Mon bébé sans regard, que je regardais de loin. " Souvent irresponsable et fuyante, l'héroïne ne peut s'empêcher d'aimer ce petit être, qui n'a pas demander à naître ainsi. Pagano parvient, en très peu de mots, à croquer le quotidien de cette femme, piégée par une vie et une grossesse qu'elle n'a pas choisies. Son malaise est si palpable qu'il en devient contagieux. Accentuées par une ponctuation qui ne laisse guère le temps aux réflexions, les phrases claquent comme des vérités que l'on refuse trop souvent de voir.

Karin Elkaim,
Le soir magazine, 30 novembre 2005


Le Temps, vendredi 28 avril,
"Le Tiroir à cheveux" élu des téléspectateurs
Prix TSR Le beau roman d'Emmanuelle Pagano a conquis le jury populaire
Isabelle Rüf
Les prix décernés par les jury populaires - sur le modèle du livre Inter - ont la cote. Les jurés sont des lecteurs comme tout le mode, imperméables aux enjeux commerciaux qui entachent les jurys professionnels. Le public leur fait confiance : les lauréats du prix de RSR le savent bien.
En 2004, la TSR a lancé à son tour le sien, dans le cadre de l'émission de Florence Heiniger,
Sang d'encre (...). Cette année, le choix s'est porté sur un livre pour adolescents, La Charme, de Jean-François Chabas. Et sur le Le Tiroir à cheveux d'Emmanuelle Pagano (...).
Gamme de sentiments riche
Des chances, elle n'en n'a pas eu beaucoup, la fille de gendarme qui cache une mèche nouée d'un ruban bleu dans son "tiroir à cheveux". L'héroïne du beau roman d'Emmanuelle Pagano est une petite coiffeuse de rien du tout. À peine si elle a le droit de faire les shampoings, de "coiffer des solitudes". À 15 ans, elle a eu un premier enfant, "gâché" parce qu'elle a caché sa grossesse par désarroi. La grand-mère élève en partie ce garçon qui crie, se débat et bave dans de grandes angoisses, pour que la jeune mère puisse travailler un peu et s'occuper de l'autre enfant, le petit, joyeux et turbulent. L'aîné ira-t-il finir ses jours comptés dans une institution ? La raison le voudrait, mais une révolte, au fond de la jeune mère gronde à cette idée. Aura-t-elle l'énergie de suivre son instinct ? La fin est ouverte.
Avec ce rude matériau, Emmanuelle Pagano a réussi un roman en rien misérabiliste. "Je n'arrivais pas à faire passer ma psychologie dans les dialogues. Mes tentatives cassaient l'écriture" regrette-t-elle. Elle a choisi de traduire les sentiments à travers les gestes, par le corps. Et c'est parfaitement réussi : avec son vocabulaire restreint, ses phrases brèves, son héroïne fait passer une gamme très riche de sentiments. L'accablement qui l'endort au chevet de son enfant opaque ; le toucher délicieux du petit ; le plaisir d'une cigarette sur le balcon la nuit
(note : il s'agit d'une infusion, Isabelle Rüf a certainement transposé son plaisir du soir à elle) ; l'emprisonnement dans les commérages de village ; le fossé qui la sépare des autres - le choeur des femmes de gendarme, le père.
"Tout est vrai", dit la romancière, qui a elle-même grandi dans une gendarmerie. Mais ce tout est redistribué, retravaillé : Emmanuelle Pagano a su trouver une vraie langue pour une héroïne sans langage. À l'université, elle a travaillé sur le cinéma, les films de Pasolini et de Léos Carax. Elle qui enseigne les arts visuels
(note : les arts plastiques) aux lycéens (note : aux collégiens), en a gardé une sensibilité vive aux images.

Tageblatt (luxembourg) (bientôt)




lelitteraire.com

Dans un style exempt de tout lyrisme, Emmanuelle Pagano dévoile dans Le Tiroir à cheveux le quotidien oppressant d’une très jeune femme qui élève seule deux enfants dont l’un est différent ; un bout de lune pas comme les autres.
On entre dans ce livre par le corps, non par la pensée. Mais un corps tourné sur lui-même. Car si l’on touche beaucoup, si l’on sent et voit avec acuité dans ce livre, ce n’est que par le prisme d’un regard animal sensible aux petits riens, un regard qui subit. Les jeunes hommes qui la prennent sans patience dans le bois : ils me poussaient dans les églantiers qui griffaient ma nuque mon dos, puis mes seins mon ventre, mon dos à nouveau, quand ils me retournaient aux changements de bite. La première puis deuxième grossesse qu’elle cache aux yeux des pères et de ses parents : comment ça vous autoriser à pratiquer une césarienne ? Les démarches que sa mère entreprend pour placer son enfant dans une institution spécialisée : ma mère essaye de me rassurer, le centre n’est pas si loin en train, je pourrais aller le voir. Elle s’enthousiasme, calcule, fait et refait mon emploi du temps.
Le lecteur se retrouve alors oppressé, en proie à un malaise étrange que la narratrice cherche encore à alimenter en décrivant l’enfermement de la jeune mère, les yeux au plafond de son fils, le corporatisme de ses proches, les dernières résidences du village comme seul horizon voilé par la brume.
Servie par une écriture volontairement simple, la parole est ici donnée aux choses qui ne peuvent s’exprimer ; au corps, à l’amour primitif d’une mère brave, à la honte. Les phrases courtes, le langage impur où les mots dérapent, accrochent : Titouan tremble, avec des fourmis de gestes comme s’il s’en droguait les doigts, l’accumulations d’adjectifs des langues orales ou vernaculaires : Et nos rires sont tellement mêlés rassemblés..., Titouan me rattrape, essoufflé rouge... réussissent à rendre intelligible, car imagé, le quotidien terne de personnes dont on ne se demande jamais comment elles doivent vivre. Un livre sur les gens d’à-côté. Sur cette mère-enfant instinctive qui possède une intelligence des sens suffisamment aiguë pour affronter le vide d’un enfant sans parole et sans regard : de temps en temps je le dévisage, comme ça, parce qu’on ne sait jamais, mais je croise ses yeux, je baisse les miens, parce que son regard nu, ça me fait devenir seule.
Et puis, il y a cette voisine, fille de gendarme également, qui observe. Emmanuelle Pagano elle-même, qui admire cette fille-mère en cachette, qui l’admire d’avoir fait ça, un gosse défendu et qui susurre en filigrane dans ce roman ses pardons d’avoir eu honte, ses encouragements en retard, ses compliments à l’adresse de son fils qu’aujourd’hui, libérée de ses peurs, elle trouve beau. Beau et brut comme ce roman.

Cédric Béal, le 8 décembre 2005

Le Tiroir à cheveux, éditions P.O.L, août 2005, 135 p. - 14,50 €.
Emmanuelle Pagano,


Prix TSR 2006 (prix littéraire de la Télévision Suisse Romande)

Le 28 avril 2006, à l’occasion du 20e salon international du livre et de la presse de Genève, a eu lieu la remise officielle du prix TSR du roman en présence de Gilles Marchand, directeur de la télévision Suisse romande, de la journaliste littéraire Florence Heiniger et de l’écrivain lauréat, Emmanuelle Pagano, récompensée pour son livre Le Tiroir à cheveux édité chez P.O.L.
Il est bientôt 19 heures, l’heure du direct de l’émission littéraire Sang d’Encre. Sur le plateau, toute la technique est là qui s’active ; caméramans, maquilleuses, régisseurs font leurs derniers réglages, poudrent un nez par trop brillant, relisent leurs notes. Le ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances et écrivain Azouz Begag salue quelques personnalités dans les coulisses, les membres du jury et les chroniqueurs s’installent à leur place respective sous la lumière et la chaleur des puissants projecteurs, et qui expérimenté de vérifier son micro, et qui nerveuse de plisser sa jupe. Emmanuelle Pagano quant à elle ne paraît pas trop tendue, elle laisse planer son regard sur chacun des invités, leur sourit...
Florence Heiniger : 
Emmanuelle Pagano, j’ai appris que sur la centaine de livres qui parvient chaque semaine à P.O.L, le vôtre est arrivé par la Poste. Est-ce vrai, est-ce que ce type de miracle arrive encore de nos jours ?
C’est tout à fait exact, et ceci est d’autant plus étonnant que j’avais déjà des éditeurs. Mais ceux-ci avaient refusé mon manuscrit.

Gilles Marchand : 
Ce qui me touche et frappe dans votre livre c’est d’abord votre écriture. Elle est si précise, si affutée, que j’y ai reconnu une démarche presque photographique ou, pour reprendre une expression de notre métier, une démarche ressemblant à celle du reportage en immersion. J’ai partagé le quotidien des personnages, j’ai observé leurs mœurs, j’ai écouté leurs peurs. Vous avez vu la réalité et vous l’avez très bien décrite, je vous en félicite.
Merci.

Florence Heiniger : 
Ça vous fait quel effet d’entendre parler de votre livre par des lecteurs que vous ne connaissez pas ?
C’est une très grande émotion. D’ailleurs lors de rencontres avec des lecteurs, il arrive que ceux-ci se disputent au sujet du personnage de la narratrice ; certains disent qu’elle a baissé les bras, d’autres pensent que c’est une battante, d’autres que c’est une pauvre fille et du coup j’ai vraiment l’impression qu’elle existe. Et faire exister un personnage me met en joie.

Florence Heiniger : 
Et vous, vous la voyez comme une battante ?
Je ne sais pas, je suis incapable de répondre à cette question.

Florence Heiniger : 
En revanche, il y a un véritable jeu de narration avec ce personnage qui est plus intellectuel et qui se glisse à dix reprises dans le livre. Ça pourrait être vous n’est-ce pas, et en vous emparant de la vie de cette voisine tant d’années après l’avoir réellement connue, c’est un peu comme si vous lui disiez aujourd’hui qu’elle vous épatait, que vous étiez fière d’elle, fière de son bébé pas comme les autres, fière de ses choix. 
Oui, et d’ailleurs il me semble que ce qui est écrit dans le quatrième de couverture est presque le contraire de ce qui s’est réellement passé, car c’est la narratrice, c’est-à-dire le personnage qui m’a servi de base pour écrire, qui m’a soutenue plutôt que l’inverse. Je voulais en effet savoir ce qui s’était passé dans sa tête et pour cela j’ai essayé de me mettre à sa place, et plus je parlais d’elle, plus c’étaient mes propres émotions que j’écrivais.

Florence Heiniger : 
Nous savons que vous partez souvent du réel pour écrire. Alors nous pensons que cette femme doit exister quelque part sur cette terre, est-ce qu’elle vous a fait signe depuis ?
Non, non, elle reste un personnage de fiction mais qui peut-être me lira un jour.

Cédric Béal : 
Le public et les lecteurs peuvent penser que c’est une mère inconsciente, mais au contraire c’est une mère qui décide d’avoir des enfants pour combler une absence de lien, un vide existentiel et conquérir sa liberté afin de devenir ce qu’elle est. C’est son enfant handicapé qui va lui permettre d’affronter sa propre mère. Créer, procréer, je le vois dans le même mouvement. Une chose m’interpelle néanmoins, cette mère n’a pas de nom alors que ses fils en ont comme s’ils étaient les fils du destin qui allaient lui permettre de se nommer, donc d’exister. Allez-vous lui donner un nom, ou bien est-ce votre propre nom ?
Il faut revenir à ce qu’à dit Florence tout à l’heure. Ce livre part d’une femme que j’ai croisée pendant mon adolescence et dont le fonctionnement m’était alors incompréhensible. J’ai donc été incapable de la nommer. Je ne pouvais pas lui donner son vrai prénom et je ne pouvais pas moi, émotionnellement, lui en donner un autre. C’est donc par pudeur que je n’ai pas nommé cette femme. 

Florence Heiniger :C’est un livre que l’on appréhende par les sens avant de le ressentir par la pensée. Odeurs, toucher, sons. Est-ce que pour vous c’était important de donner une force de maternité presque primitive ?
Cela fait trois livres que j’interroge la maternité sans en avoir encore fait le tour. Passer par les sens et par le corps, c’est aussi et surtout parce que je n’arrive pas à dire les pensées de mes personnages. Lorsque je parle, lorsque j’essaie de leur faire dire ce qu’ils pensent, ça ne fonctionne pas avec ma façon d’écrire. Je préfère faire passer leurs peurs, leurs pensées, justement par des gestes et des postures du corps.

Cédric Béal : J’aimerais insister sur ce thème car par le prisme de votre écriture très épurée, exempte de tout lyrisme superflu, cette fille-mère nous apparaît comme un animal sensible aux petits riens. Elle ne pense pas ou peu, elle ne se projette pas dans l’avenir, ne puise pas dans son passé les souvenirs qui lui permettraient de se construire, elle vit dans l’instant, elle absorbe, elle est constamment percée par des sensations, des intuitions. J’aimerais relier cette observation avec l’ambiance très pesante de ce livre, ces notions d’enfermement, d’emprisonnement. N’y a-t-il pas une volonté de votre part d’opposer justement la pesanteur du réel avec la légèreté des sens ?
Oui, en fait j’ai pensé à La Religieuse de Diderot qui a été une grande découverte pour moi et donc j’ai retravaillé tout ce livre avec ce parasitage conscient mais forcé de Diderot. Je ne peux pas lire sans écrire ni écrire sans lire. Et chez Diderot il y a l’enfermement et le libertinage. C’est la seule chose qui aide l’héroïne à tenir.

Cédric Beal : Mais peut-on imaginer aussi que pour vous, vivre dans le présent est une façon de s’échapper de la prison du réel, de la lourdeur de la vie quotidienne ?
J’ai besoin pour ma part d’écrire les choses du quotidien, j’ai besoin de me situer au jour le jour. Cette femme ne peut pas se projeter, elle est emprisonnée par cet enfant handicapé, ce bout de lune pas comme les autres. Je voulais aussi mettre des mots sur ces choses que l’on ne trouve pas généralement intéressantes, ces gestes de ménage, du quotidien. C’est primordial pour moi, presque une volonté politique de ma part.

Florence Heiniger :
Démarche politique oui, car vous donnez ici la parole à une femme qui ne l’a pas dans notre société. 
Ah oui, écrire, c’est écrire pour quelqu’un, prendre la place de ceux qui ne peuvent pas parler, oui c’est le minimum il me semble. Ça légitime mon écriture.

Florence Heiniger : J’aimerais pour conclure savoir comment vous pensez à cette femme aujourd’hui.
Elle est vraiment devenue un personnage. Quand j’écrivais, je pensais à elle et j’étais très émue, mais maintenant la narratrice du Tiroir à cheveux n’est plus du tout l’adolescente que j’ai connue.

Florence Heiniger :Votre prochain livre est pour quand ?
En janvier 2007.

Florence Heiniger : 
Merci Emmanuelle Pagano et encore bravo pour ce livre.

Cédric Béal, le 4 mai 2006

Propos recueillis le 28 avril 2006 à l’occasion de la remise officielle du prix du roman de la TSR.

LA CRITIQUE EVENE
LA NOTE EVENE : 4

Accident de la vie. Accident de parcours. Un drame. Pierre est handicapé. Sa mère a quinze ans. Trois ans plus tard, Titouan arrive à son tour. Un autre accident. Titouan est en pleine santé, lui. Emmanuelle Pagano nous livre une fable à échelle terriblement humaine. On entre dans l'esprit de cette jeune femme qui, avec le temps, apprend à aimer. Aimer l'impossible. Aimer son enfant, différent. L'adolescence rime le plus souvent avec l'insouciance. Les copains, les sorties. Le Tiroir à cheveux nous présente une jeune femme qui, elle, ado, apprend à aimer. Et apprend à ne pas écouter les autres. Ceux qui, par leur silence, en disent tellement. Elle va se battre, seule. Et contre tous. Apprendre à se battre pour garder auprès d'elle son enfant. Le différent. L'élever aux côtés de son frère.
Avec une simplicité d'expression poignante, Emmanuelle Pagano réussit à nous faire entrer dans l'esprit de cette mère célibataire. On vit son parcours. On respire comme elle respire. On vit à travers elle nos plus grandes peurs et nos plus grandes angoisses. Nos plus grandes espérances aussi. Sans pour autant ne jamais tomber dans la niaiserie, l'auteur réussit à nous toucher. On le vit, on le croit. La vie à échelle humaine. Pas de happy end et pourtant, une touche d'espoir, d'humilité. On a envie d'aimer la vie, dans tout ce qu'elle peut offrir de plus difficile.
Manon Moreau

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LES ANECDOTES

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Troisième
'Le Tiroir à cheveux' est le troisième roman d'Emmanuelle Pagano.


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MORCEAUX CHOISIS

La plus belle phrase :
De temps en temps je le dévisage, comme ça, parce qu'on ne sait jamais, mais si je croise ses yeux, je baisse les miens, parce que son regard nu, ça me fait devenir seule.

La phrase à retenir :
Pierre aussi c'est un mort, mais c'est un mort qui n'est pas mort. Je me demande ce que c'est, vivre, quand on est comme lui.


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LES EXTRAITS de "Le Tiroir à cheveux"

Il ne fallait pas parler de ma voisine, même dans son dos. Il ne fallait pas lui parler non plus. Elle n'avait pas demandé la permission d'être enceinte. D'ailleurs, elle faisait plein de choses sans autorisation. Je crois qu'elle sautait par-dessus le portail, quand elle n'avait pas encore le droit d'avoir une clé. Moi non, mais je me cachais pour écrire, parce que je n'étais pas bien sûre que ce soit permis.
Je regardais le fils de ma voisine, tout de travers dans sa poussette, les orbites pleines de soleil, en me demandant quel interdit l'empêchait de bouger, de voir, d'entendre, de parler, de lever une main pour s'essuyer la bouche. Je regardais sa mère et je l'admirais en cachette. Je l'admirais d'avoir fait ça, un gosse défendu qui bavait et coinçait tout le ciel dans ses yeux. J'avais honte aussi, parce que le pauvre.
- Editeur : P.O.L

Je n'arrive pas à penser ni même à rêver, je suis dans un ennui un silence une fatigue qui me prennent toute entière. Je reste sur mon lit, je vois
Pierre et je ne sais plus comment m'en occuper.
- Page : 37 - Editeur : POL - 2005

J'ai sorti une lingette et j'ai dû me retenir pour ne pas pleurer, crier, pleurer, je me retenais, tout à l'heure, et hier au salon. Je me retiens encore, en me disant c'est le dernier jour, plus jamais ça, mais de me dire c'est le dernier jour, plus jamais ça, je me sens coupable, alors je voudrais pleurer, ne plus me retenir maintenant.
- Page : 101 - Editeur : POL - 2005


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Notes de lecture de Thierry   Beinstingel

Le tiroir à cheveux, d’Emmanuelle Pagano, P.O.L "  J’ai brossé, tiré, tiré ses cheveux entortillés dans tous les sens. " C’est un livre qui se coiffe, un roman de sensations, à peser, évaluer, regarder tout ce qui se passe chez la narratrice et ses deux enfants : Titouan qui s’approche du four, Pierre, si différent qu’il faut un harnais de spéléo pour qu’il tienne assis. La narratrice aimerait être donc être coiffeuse, et c’est par cet angle qu’Emmanuelle Pagano réussit cette histoire, sans doute banale, la rencontre avec cette mère célibataire et ses deux enfants dont l’un est handicapé. Bref, le genre de personne qu’on a tous croisé dans sa vie sans se poser des questions outre mesure sans se demander comment elles vivent leur quotidien. Et ce quotidien est fait de sensations, d’actions surtout sans trop se poser de questions de toute façon, la narratrice, coincée entre ses deux enfants, sa mère possessive et son père, un gendarme brutal, n’a pas le temps de s’en poser. La langue d’Emmanuelle Pagano rend particulièrement bien ce quotidien dépourvu de philosophie, elle laisse voir sans tomber dans le voyeurisme le misérabilisme ou le pathos, c’est le parcours de la dignité qu’elle raconte au-delà de cette histoire. Le sujet emporte cet élan et combat le quotidien et la bêtise humaine dans un élan généreux, sans relâche et sans repos, comme le fait cette héroïne de roman et oui, vraiment ce mot d’héroïne force le respect. Ne jugeons pas, regardons sans compatir, le monde est brutal et complexe, sachons lui résister : c’est ce que semble dire avec maestria Emmanuelle Pagano jusqu’à sa dernière phrase où la narratrice se demande à propos de son fils différent " si ce sont les gendarmes du village qui viendront me le prendre. Un bon roman de cette rentrée littéraire 2005.(28/09/2005)










"Encres Vagabondes":
Le Tiroir à cheveux nous narre l’histoire d’une très jeune femme, fille d’un gendarme autoritaire et d’une femme docile, maman à 16 ans dans une petite ville cachée au cœur des vignes. Elle en a vingt aujourd’hui et élève seule, dans un appartement de poupée situé dans un quartier déshérité de la vieille ville à l’entrelacs d’escalier sombre et malodorants, son « petit bout de lune pas comme les autres » et un deuxième « bâtard » plein de vie. C’est une fille simple, nature, que la honte cerne sans l’écorcher vraiment et qui partage son quotidien, tour à tour lumineux et oppressant, entre un travail dans un salon de coiffure et la prise en charge de sa progéniture. Toujours, les cheveux ont été sa passion, son plaisir sensuel le plus absolu et son mi-temps, s’il n’y avait la curiosité des clientes, lui plaît.

Son petit dernier, malicieux et plein d’appétit semble vivre ses deux ans avec facilité et bonheur. Pierre, l’aîné, le pas grandi, « le gosse défendu qui bave et coince tout le ciel dans ses yeux » a cinq ans maintenant. Il égraine ses journées en une alternance de phases d’agitation et d’absence au monde. Elevé par sa grand-mère à sa naissance, sa mère l’a emmené avec elle quand, après la naissance de Titouan, elle a trouvé travail et logement. Cet étrange petit dieu déchu, pèse lourd dans la relation des deux femmes.

Cette mère enfant instinctive qui possède une intelligence des sens suffisamment aiguë pour affronter le vide d’un enfant sans parole et sans regard, cette jeune fille qui a tout subi, de l’autorité du père à la brutalité des jeunes hommes qui la prenaient sans égard au grand air, du désarroi de cette grossesse clandestine et de cette maternité honteuse au drame de cet enfant différent si lourd à porter dont elle se sent coupable, témoigne pourtant d’un étonnant goût de la vie, d’une vraie capacité de résistance. L’amour fusionnel qu’elle ressent pour ses petits saura lui donner la force de s’affranchir du regard maternel qui refuse de la voir grandir et ce jusqu’à l’affrontement quand elle s’opposera à la « sage » décision de placer Pierre dans une institution spécialisée. L’enfant grandie trop vite est enfin devenue adulte et elle entend bien protéger sa couvée et lui construire un nid à l’abri du monde extérieur où il fera bon vivre ensemble.

Et puis, il y a cette voisine, fille de gendarme également, studieuse, réservée et amoureuse de la lecture, Emmanuelle Pagano elle-même, qui croise souvent son chemin et lui sourit sans rien dire. Elle l’admire en cachette d’avoir osé ce gosse défendu et susurre en filigrane ses pardons d’avoir eu honte, ses encouragements en retard. C’est elle aujourd’hui le narrateur : « j’écris cette histoire sans autorisation, même pas la sienne, même pas celle de sa mère, juste pour dire en retard il est beau ton fils, en traversant la cour avant d’ouvrir le portail. »

L’histoire est forte et si le lecteur se retrouve parfois oppressé, en proie à un malaise étrange que la narratrice alimente en décrivant l’enfermement de la jeune mère, les yeux au plafond de son fils et la médiocrité ambiante, il n’est jamais mis en demeure de compatir sur le sort de cette trop jeune mère que le sort a accablée. On suit le cheminement de cette tranche de vie avec le corps, les sens, les émotions. Entraîné par la sensibilité primitive et toute animale du personnage, on sent les griffures des ronces quand les jeunes mâles excités la prennent sans ménagement mais aussi la douceur des cheveux d’enfant qu’on caresse et qu’on brosse. On devine le poids des ragots et des regards apitoyés des braves gens mais aussi la légèreté du rayon de soleil sur le petit balcon. Loin de tout pathos ou de toute analyse, c’est une multitude de petits riens qui remplissent cette vie ravagée de bonheurs simples et qui régalent les sens.

Servie par une écriture volontairement simple exempte de tout lyrisme, la parole est ici donnée à une de ces personnes que l’on croise dans les faits divers des journaux quand la vie dérape sans jamais se demander comment elles parviennent à survivre. Les phrases courtes, les adjectifs qui s’accumulent, les mots qui accrochent, l’utilisation de la langue orale réussissent à rendre intelligible, car imagé, ce drame du quotidien, aussi terne que banal.Un roman brut et émouvant remarquablement maîtrisé.

Dominique Baillon-Lalande 


L'HEBDO 95, lundi 22 sept 2005 :

Le Tiroir à cheveux
Roman. Dans un quartier populaire du sud de la France, une jeune femme vit seule avec ses deux enfants, dont l'un est gravement handicapé. Dans un texte court très construit, l'auteure décrit la vie quotidienne de cette mère isolée et laisse entrevoir l'histoire de sa vie, celle d'un gâchis, à la fois banal et épouvantable. On est séduit par son talent à restituer l'atmosphère d'une ville du sud.

Sur "24 Heures", journal de Lausanne :

Mon choix, Sylviane Friedrich, La Librairie Morges :
"Quand j'ai reçu le livre à la librairie, j'ai bien aimé ce titre...L'histoire m'a touchée ainsi que son écriture très sensible et l'humanité qui s'en dégage : une ville du Sud de la France, une femme seule qui élève ses deux enfants, Titouan et Pierre, handicapé ; un accouchement douloureux, le cerveau de l'enfant mal oxygéné, l'indépendance de cette femme, fille de gendarme, qui refuse de mettre son enfant en institution et son combat quotidien, poussette trop lourde, escaliers, petit appartement au dernier étage, la vie..."

Drame pudique
Organisé autour de l’émission Sang d’encre de Florence Heiniger, le prix de la TSR du roman vient d’être attribué à la Française Emmanuelle Pagano (née en 1969) pour Le Tiroir à cheveux.
JULIEN BURRIPublié le 17 mai 2006

Cette auteure discrète se passionne pour le cinéma de Pasolini et ne cesse de revenir à la question de la distance entre pudeur et impudeur, dévoilement et voilement. C'est bien de cela dont parle son beau roman. 

La narratrice, fille de gendarme, rêve de devenir coiffeuse. Enceinte à l'âge de 15 ans, elle cache sa grossesse à ses parents, entre trop tard à l'hôpital et son fils Pierre naît handicapé pour avoir manqué d'oxygène. La jeune mère a du mal à ressentir de l'amour: «J'ai honte de son corps, il est tout tordu. J'ai tellement honte que je n'arrive pas à être triste». Plus tard, elle accouche d'un second garçon et essaie de former une famille, même bancale. 

Ce livre évite tous les écueils, à commencer par le misérabiliste. Sensuelle, l'écriture très élaborée parvient à rendre presque invisible le travail de l'écrivain. Neutre et dépouillée, elle permet un rapport direct avec les pensées de la narratrice, mais aussi avec ce qu'elle ignore, ce qui la dépasse, sachant dévoiler avec pudeur et préserver une part d'ombre.

Sur Critiques Libres :


  Le Tiroir à cheveux
de Emmanuelle Pagano
critiqué par
Poloka, le 8 avril 2006
(59 ans)
La note: stars-10
"merveilleuse lecture"
C'est un bout d'histoire d'une fille mère qui élève seul un enfant handicapé à côté d'un autre enfant normal ;et qui n'aime pas ses parents .
C'est une série de moments de la vie quotidienne qui ne sont pas banals puisqu'étonnants ,étonnants parce qu'écrit avec un regard dont le champ de vision est très large au moins 360°.
C'est un livre dont l'histoire est celle de la voisine ,mais avec une telle empathie pour sa voisine que l'on s'y identifie facilement .
C'est un récit âpre par son style ,mais aussi fluide,et rugueux par son sujet mais aussi lisse comme la vie des autres dans leur apparence .
C'est de la vraie littératire puisque l'écriture seule transmue une réalité ,que nous ne connaissions pas avant, et que nous connaissons mieux maintenant, que si nous l'avions vécue .
C'est de la vraie littérature puisque sa lecture seule est un trouble, une émotion qui ne vient que de la retenue des mots ,de la syntaxe ,du rythme .
Car c'est là la merveille de ce récit quelque chose d'essentiel y est en permanence re-tenue.


coup de coeur SFL :
La narratrice de ce roman est la jeune mère célibataire de deux enfants dont l’un, Pierre, est handicapé. Coiffeuse, elle adore son métier, son fils a d’ailleurs des cheveux magnifiques. Les parents de la jeune femme veulent qu’elle confie Pierre à une institution spécialisée, ce qu’elle refuse de toutes ses forces. La force de ce livre réside dans son apparente simplicité : la description d’un quotidien consacré à l’enfant malade. Il s’agit en réalité du portrait d’une femme farouchement indépendante qui ne supportera aucune chaîne, qui ne se laissera jamais rien imposer.

Coup de coeur bibliothèque de Montreuil :
Un court texte qui mérite d'être découvert  : atypique, il est centré sur le personnage d'une toute jeune mère célibataire dont nous ne connaîtrons même pas le nom jusqu'à la fin du livre. 

Coiffeuse, notre narratrice est attentionnée, douce, et profondément sensuelle avec ses deux enfants, Titouan deux ans, et Pierre, de trois ans son aîné, porteur d'un lourd handicap. Sur un thème si délicat, l'auteur réussit le tour de force de nous tenir en haleine uniquement par son écriture dépouillée, réaliste, simple, et empreinte d'une forte lumière intérieure qui transcende véritablement le quotidien de cette famille monoparentale. 

Tout porte à croire que cette histoire est probablement vraie, ainsi que l'insinue la quatrième de couverture. A vous d' en juger!

Marie G.
Novembre 2005

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Dans "Le petit journal, journal des français à l'étranger"

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Le tiroir à cheveux, Emmanuelle Pagano (P.O.L) : Une toute jeune fille, élevée dans une caserne de gendarmerie, donne la vie à un enfant végétatif. Elle tente de s’en sortir en travaillant dans un salon de coiffure où elle prend un certain plaisir à toucher les chevelures des clientes comme elle aimait caresser, enfant, une natte coupée. Sur ce fond dramatique, Emmanuelle Pagano compose un joli roman de détresse et de volonté, servi par un sens de la formule juste et concis.  

Sélection le Grain des mots (librairie de Montpellier):

Dans une langue d’apparence simple, le récit subjectif, charnel et sans recul de la dérive d’une trop jeune mère encombrée de ses deux enfants.Le roman expose, dans les jeux d’ombre et de lumière d’un village de la plaine languedocienne, une saisissante et instinctive naissance du sentiment maternel.Une vraie réussite dans l’écriture et la narration.
"lison futé", sélection de la Médiathèque de Noisy-le-sec :
Une mère jeune, vit seule avec ses deux enfants, deux garçons. L'un ressemble à tous les autres enfants, l'autre qu'à lui-même. Ne parle pas, ne se déplace pas, ne sourit pas. Ses yeux, toujours vagues, sa tête ballante, son corps raide et lourd, il gémit. Elle, forte, résiste.
A l'incompréhension, aux idées reçues, à la pitié, à la curiosité malveillante des gens.
C'est l'histoire d'une mère et une histoire d'amour. 
Elle vit, elle aime avec ce qu'elle a, ce qu'elle est. Personnage décalé, en marge d'une société bien pensante, elle est libre et se réalise dans son savoir maternel.
Et si ce gémissement était langage ? Et si ce vide dans les yeux de l'enfant était rêve ?
Elle doute et toujours résiste.
C'est un livre sensuel, de lumières, de touchers et de regards. Dans un rayon lumineux, dans un geste, dans un silence, se dessine ce que l'on voit de la beauté des autres.
"Marque-pages n°8", sélection de "Savoie-biblio", bibliothèque de prêt de Savoie et Haute-Savoie :
Le tiroir à cheveux conte l'histoire d'une jeune fille mère de deux enfants, Pierre, gravement handicapé suite à un accident cérébral, et Titouan, petit bambin de trois ans plein d'énergie. La jeune femme travaille dans un salon de coiffure et adore caresser les cheveux, de ses enfants, mais aussi ceux qu'elle cache dans sa table de nuit. Son père est gendarme, sa mère n'a qu'une idée en tête, faire placer Pierre dans un institut spécialisé. Le livre raconte le parcours de cette jeune femme jusqu'à sa décision de garder son fils auprès d'elle, malgré la loi qui l'en empêche. Un beau roman qui touche à un sujet sensible, écrit avec retenue et pudeur.

CHAT

Emmanuelle Pagano: «Le vrai sujet de mon livre, c'est la honte d'écrire»
La romancière, auteure du «Tiroir à cheveux», était jeudi 22 septembre, l'invitée du chat littéraire hebdomadaire de Libération.fr.

LIBERATION.FR : vendredi 23 septembre 2005 - 11:33
A lire: Cheveux d'ange dans le cahier Livres du 8 septembre.

Dorio: Pourquoi ce titre «Le Tiroir à cheveux»?
Emmanuelle Pagano: C'est un extrait du livre, tous les titres sont choisis dans le livre. Le tiroir à cheveux c'est un élément déterminant de cette histoire. C'est un peu un fil conducteur. Et dans ce tiroir il n'y a pas que des cheveux.
Loie: Pourquoi l'héroïne est-elle un peu fétichiste? Quel rapport entre son amour des cheveux et son fils handicapé?
Déjà, je ne suis pas sûre que le terme de fétichiste soit approprié. L'héroïne approche les gens par le corps. Elle est sensible à des petits riens. Des petits riens qui sont de grandes choses selon moi: c'est une fille qui a du mal à être mère et pourtant elle ressent quelque chose de très maternel, par exemple l'odeur des cheveux des jeunes enfants. D'une manière générale, il me semble important de prendre conscience que le monde qui nous entoure est, sans que l'on s'en rende compte, le plus souvent appréhendé par le corps. Des choses comme faire le ménage ou changer les couches, marcher, peigner, caresser ne sont pas souvent mises en valeur et pourtant faire attention à tout cela (nos postures, nos gestes, notre peau) implique une autre écriture qui me semble intéressante. J'ai été très influencée par exemple par Jean Genet qui écrit à partir de ces petites choses, voire ces «sales» choses (le chapitre des latrines dans «Notre Dame des Fleurs»).

Hervé: Vos auteurs préférés jouent-ils un rôle dans l'élaboration de vos livres. Ou vous n'avez pas de modèle dans l'écriture?
J'ai déjà répondu partiellement à la question. Il me semble difficile d'écrire sans lire. Genet, par sa façon d'appréhender l'écriture depuis le corps, ou Giono par exemple lorsqu'il décrit le monde à partir d'une toute petite sensation.
maïa: Où votre livre se passe-t-il? Pourquoi ne pas l'avoir dit? Est-ce votre région natale?
Non, ce n'est pas ma région natale. Bien sûr, je parle ma propre langue et mes propres lieux, j'ai vécu dans ce village, mais ce pourrait être n'importe quelle village du Sud, c'est d'ailleurs un assemblage de plusieurs endroits. Préciser le nom du village focaliserait l'attention du lecteur sur une carte par exemple alors que je préfère qu'il sente ou ressente l'ombre des rues par exemple.
zara: En fait, le vrai sujet de votre livre, c'est quoi?
Le vrai sujet du livre, c'est la honte d'écrire. C'est pourquoi, bien qu'étant beaucoup moins autobiographique que mon premier livre par exemple, il l'est au final beaucoup plus puisque je crois qu'il s'agit bien de cela: la honte et/ou la légitimité d'écrire, par exemple cette histoire ou d'écrire tout court. J'ai essayé de faire passer ce sentiment de honte en même temps que l'idée de prendre la permission quand même dans mon personnage, mais c'est quelque chose qui m'appartient en propre. Dans mon deuxième livre il y avait aussi un sentiment très intime que j'ai essayé de développer, c'était celui de la peur et dans le premier, le dysfonctionnement de la mémoire.

doiur: Pourquoi votre narratrice, qui est une pauvre fille, a-t-elle un vocabulaire très riche?
Elle n'a pas un vocabulaire très riche. Elle a une sensibilité très riche et du coup les mots simples qu'elle utilise parviennent jusqu'à nous de manière riche. Mais ce sont des mots très simples et ce sont des choses très simples et surtout je ne crois que cette fille soit une «pauvre» fille. C'est même une fille que j'admire.

Delbk: Etes-vous fille de gendarme?
Comme je le disais précédemment, je parle ma propre langue et mes propres lieux, mais la gendarmerie aurait pu être remplacée par une autre profession. L'idée c'était de parler d'une profession qui enferme en quelque sorte puisque ce livre est aussi une adaptation très libre de «La Religieuse» de Diderot qui est d'ailleurs cité discrètement dans le livre. Je voulais parler d'un certain corporatisme et de l'impression de l'enfermement que mon personnage subit tout autant dans la gendarmerie qu'auprès de ses «copains».
Hervé: Comment définissez-vous la pureté d'une langue?
Je n'ai jamais cherché à définir la pureté d'une langue. Au contraire, je serais plutôt intéressée par l'impureté d'une langue. Quand ça dérape, quand ça accroche, quand les mots n'ont pas forcément la signification que l'on croit.
Roman: Comment avez-vous atterri chez POL? Est-ce un éditeur très différent de ceux que vous avez connus avant? Vous a-t-il fait retravailler le manuscrit?
J'ai atterri chez POL de manière très simple. En envoyant mon manuscrit par la poste quand mes éditeurs précédents l'ont refusé (ainsi que beaucoup d'autres). POL ne fait pas retravailler les manuscrits (contrairement à mes deux éditeurs précédents), mais c'est une maison d'édition où l'on se sent très très bien. J'ai été très contente que POL m'appelle et je le suis toujours.
Chacha: Avez-vous un autre métier qu'écrivain?
Bien sûr. J'ai un métier alimentaire, comme on dit, que j'avais commencé à faire pour pouvoir continuer mes études. J'ai abandonné mes études pour écrire plus librement mais mon métier alimentaire a fini par me «prendre» aussi puisque c'est un très beau métier: je suis enseignante.

Le Dauphiné Libéré :

le 13/10/05 : Emmanuelle Pagano au Bouchon Littéraire

Auteur ou auteure, Emmanuelle Pagano descendra de la Haute-Ardèche où elle est venue se percher, vers Privas et son Bouchon Littéraire pour présenter son dernier roman,
Le Tiroir à cheveux, récemment paru aux éditions POL. Vendredi 4 novembre, à 18H30, la romancière expliquera comment elle s'est inspirée de La Religieuse, de Diderot, et du drame vécu par une jeune voisine, pour en tirer une intrigue contemporaine criante de vérité sur la problématique du corps, de la dissimulation, et du droit de vivre et de donner la vie.



5/6 nov 2005 : Soirée littéraire au Bouchon de même nom

Vendredi, Emmmanuelle Pagano, présentait son dernier ouvrage
Le Tiroir à cheveux au bouchon littéraire.
Une histoire aux origines réelles mais que l'auteur romance pour mieux parler, entre questionnements et angoisses, d'une voisine et de son fils handicapé.
Les discussions entre l'auteur et son public sont allés bon train.
Le sujet est touchant et chacun a sa vision des choses.
Emmanuelle Pagano a couché la sienne sur le papier. Remarques pertinentes, ébauches de solution ? Tout fait bois dans le feu de l'action et puis il y a les commentaires qui sonnent juste de celles et de ceux qui connaissent ce type de situation.
Alors bien sûr les mots sont aiguisés, sans fioriture, comme dans le livre qui aborde un sujet où la vérité se passe bien de fard.

27 avril 06 : Les Vans : Le Tiroir à cheveux dans le salon

Il suffit d'y penser : à l'occasion de la dédicace à la librairie voisine du dernier roman d'Emmanuelle Pagano,
Le Tiroir à cheveux, Marylène Clee et les Mirlitoons ont eu l'heureuse idée d'organiser une lecture de quelques extraits du livre au salon de coiffure Marcel Edouard.
Une heureuse initiative qu'ont beaucoup appréciée de nombreux fidèles du salon et du marché.


La Tribune

6 mai 06 : Emmanuelle Pagano dans les pensées d'autrui

Samedi 22 avril (...)

à venir...

Midi Libre

Mercredi 10 mai 06

Montagnac : à venir...


Traductions :

Espagne : Lengua de trapo

port-32-OL



Portugal : editorial Teorema (à venir)

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