Archives pour avril 2007

manuels

Pendant que mon webmaster et mon fils aîné bricolent (ouf, bientôt du carrelage dans la pièce principale…), j’avance sur Les Mains gamines. Chacun ses activités manuelles, et, à part nettoyer après les travaux, je suis incapable de faire quoi que ce soit d’autre dans la maison, tant je suis maladroite. Ecrire, donc.

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J’intègre, dans quelque chose qui ressemble à un texte, des petits bouts écrits ça et là, des notes.

D’habitude, j’ai alors un petit plaisir maniaque : en plus de barrer les notes intégrées (ou celles auxquelles j’ai renoncé définitivement) pour savoir où j’en suis, je déchire les petits feuillets arrachés au carnet, et je les jette avec jubilation.
Mais depuis que je fréquente le blog d’Armand Dupuy, je procède différemment : lorsque toutes les notes d’un feuillet ont été utilisées, je les glisse dans une enveloppe à son nom, parce qu’il fait la collec des manuscrits.

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J’ai finalement renoncé à la réception, trop compliqué, et trop explicite sur le “but” du personnage principal (qui ne prendra jamais la plume…). Le roman devrait donc s’achever au moment où la réception commence, au moment où les invités arrivent.
Tiens, ça me rappelle cette très belle chanson de Léonard Cohen : “One by one, the guests arrive / The guests are coming through / The open-hearted many / The broken-hearted few”*

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J’ai été contrainte d’utiliser plusieurs narratrices, on verra ce que ça donne.
Il y a plusieurs façons de faire, soit changer de voix en changeant de chapitre comme ici, soit intégrer ce changement de focalisation dans le corps du texte sans changer de chapitre comme là. Mais là, donc, il y a chaque fois passage d’un narrateur à une narratrice, ou vice versa, on comprend donc très vite que ce n’est plus la même personne qui parle, or dans Les Mains gamines, je ne peux pas donner la parole aux hommes, ce n’est pas possible (pas plus qu’au personnage principal), car ce sont eux les “propriétaires“ des mains gamines et le but de l’écriture de ce texte n’est pas d’essayer de les comprendre, de savoir comment aujourd’hui, devenus adultes, trentenaires, et surtout devenus personnages, comment ils peuvent vivre avec leurs mains, car JE NE VEUX PAS LE SAVOIR. Mais en écrivant, c’est-à-dire en transposant, en traduisant, en faisant ce grand écart de la représentation (d’où l’impossibilité d’écrire en focalisant sur le personnage principal, qui demeurera ”de côté“, tout en faisant son ménage…), en écrivant, je veux essayer de répondre à la question : est-ce que les mains devenus adultes ont une influence quelconque sur les femmes, mères, filles de ces hommes, est-ce que les gestes de l’enfance finissent par s’effacer, ou se poursuivent-ils dans les corps (l’inconscient, diraient les psy, mais je ne suis pas psy, donc je travaille directement sur les corps) des filles qui les entourent ?

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Sinon, le reste du temps, je prépare des cours, je corrige des travaux bien sûr, mais aussi je me mets sur la balancelle, et je lis, je lis, je lis, car à chaque fois que je suis en période d’écriture (c’est-à-dire quand même, assez souvent) il me faut lire, lire, lire… mais tourner le spages moi je dis, c’est une activité (et)manuelle comme une autre…

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* Un par un arrivent les invités
Arrivent les invités
Les coeurs ouverts nombreux
Les coeurs brisés plus rares

Morphoses

Au moment où Mickaël parle du “contexte ” de son livre, avec, pour illustration de sa note, la célèbre anamorphose de Hans Holbein, je me décide enfin à parler de Morphoses de Claudine Galea, sauf que voilà, je ne sais pas comment en parler, car ce livre inclassable est troublant et, comment dire, il est “jumeau” du mien : mais lequel est le contexte de l’autre ?

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Caludine et moi nous sommes rencontrées à un “salon” littéraire, mais sommes-nous si proches (bavardages lors de ce salon, échanges de mails) pour avoir écrit le même livre différent* ?

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Elle, elle ne l’a pas écrit toute seule, mais en compagnie l’illustratrice Goele Dewanckel, avec laquelle elle a déjà co-signé un livre pour enfants très beau.
Mais moi non plus, je ne l’ai pas tout-à-fait écrit toute seule, puisque j’ai beaucoup échangé avec ma copine Danielle

Je ne scanne pas son texte, seulement quelques images de Goele Dewanckel pour vous mettre l’eau du lac à la bouche, parce que oui, il y a un lac, une forêt, des loups, Nelle, “ni il ni elle”, quand dans mes Adolescents troglodytes, il y avait deux lacs, des forêts, des loups, et Nielle…

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Morphoses est par ailleurs une expérience saisissante pour tout lecteur attentif (je veux dire : en dehors du fait de cette fausse gémellité, si l’on oublie cette proximité).

Ce livre est aussi un préambule à une performance, un drôle d’objet scénique, navigation chorégraphique 3D intéractive: Seule avec loup dans laquelle se jouent des questions qui me suivent depuis longtemps…

“Seule avec loup ? Où sommes-nous et en quel temps ? Suis-je moi ou bien toi ? Et si nous ne sortons pas du ventre du loup ni d’aucun ventre ? Et si la ville est forêt ? Et si mascunin fémilin ? On joue à être ? On est ce qu’on joue ?” (Claudine Galea)

Ce livre n’est pas seulement fait de très belles images, mais aussi d’un très beau texte, intelligent et subtil, sur le mélange des genres, la peur, les débuts de l’amour, la perte, les origines…

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* Ma “cousine” Pascale Kramer a aussi écrit un livre-frère du mien, un Fracas où il est question de fratrie et d’éboulement